Kamigawa : Neon Dynasty - Histoire secondaire : Les ennemis qui nous façonnent - Magic the Gathering

Kamigawa : Neon Dynasty - Histoire secondaire : Les ennemis qui nous façonnent

Kamigawa : Neon Dynasty - Histoire secondaire : Les ennemis qui nous façonnent

Des événements d’enfance sépare deux cousines, Heiko et Norika, qui grandissent dans des mondes opposés. Peuvent-elles mettre leurs différends et leurs différences de côté pour soigner un Sozenkanshi blessé ?

  La storyline de Magic / Kamigawa : la dynastie Néon

Des événements d’enfance sépare deux cousines, Heiko et Norika, qui grandissent dans des mondes opposés. Peuvent-elles mettre leurs différends et leurs différences de côté pour soigner un Sozenkanshi blessé ?

  La storyline de Magic / Kamigawa : la dynastie Néon



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le , par Drark Onogard
506

Des événements d'enfance sépare deux cousines, Heiko et Norika, qui grandissent dans des mondes opposés. Peuvent-elles mettre leurs différends et leurs différences de côté pour soigner un Sozenkanshi blessé ? Vous trouverez l'article original ici.

Les ennemis qui nous façonnent



EIGANJO. JARDINS DU TEMPLE.
Dix minutes avant l'attaque.

« Heiko, attends. » Norika met toute l'autorité qu'elle peut réunir dans sa voix de fille de dix ans et, comme toujours, cela n'a aucun effet sur sa cousine.

Devant elle, Heiko s'enfonce au milieu des charmilles et les escalade pour voir la maison de thé sur le chemin. Toute la semaine passée, des pèlerins en visite à Eiganjo pour présenter une requête à l'Empereur avaient murmuré à propos d'une apparition dans le jardin de thé. Une lueur dans l'air qui dévore des oiseaux en vol. C'est le commencement d'une fusion, prédisaient les pèlerins. Une ouverture sur le royaume des esprits.

Heiko, à seulement huit ans, n'est pas autorisée à quitter les quartiers de sa famille, et ni l'une ni l'autre ne sont autorisées à s'aventurer jusqu'à la circonscription des jardins, mais Heiko a un talent pour embrigader à force de paroles Norika dans ses aventures. Et bien que Norika comprenne bien ses responsabilités comme cousine aînée, fille aînée de la maison Yamazaki, plus Heiko l'importune, plus elle doit l'admettre – elle veut voir la fusion, elle aussi.

Alors elle se trouve maintenant, comme d'habitude, à essayer d'empêcher Heiko d'aller trop loin.

Heiko tend une main et tape du dos de deux doigts sa jambe. Leur signal secret pour Tu dois te calmer. Toutes deux ont une grande expérience en ce qui concerne de donner, et d'ignorer, ce signal.

Norika ne se calme pas pas. « Heiko, descends tout de... » mais elle s'interrompt parce qu'il y a bien quelque chose d'étrange près de la maison de thé. Une lueur dans l'air, comme le jeu de la lumière sur l'eau. Et... est-ce que c'est en train de grossir ?

Une branche craque, et Norika se rend compte que Heiko a rampé au travers de la charmille. La déchirure de lumière s'étend, plus large que l'étendue de ses bras, et brille d'un blanc chaud. Levant les yeux, Heiko donne en autre signal. L'orteil de son pied droit tape le talon de son gauche. Fais avec, c'est tout.

Elle fait un autre pas en direction de la fusion, une main tendue. La déchirure tremble et s'élargit. Quelque chose joue des épaules pour passer la fissure. Une silhouette de deux fois la taille d'un humain, enroulée dans des robes fantomatiques. Une épée dépasse de son estomac, la garde dans son dos. Elle n'a pas de visage, rien que les volutes d'une vapeur noire qui tente de saisir les filles. Heiko reste à regarder, pétrifiée.







La vapeur se condense, en spirales, devient un vortex d'ombre. Le kami s'avance, dirige le vortex vers Heiko.

Norika voit le kami plonger et, sans y penser, elle se jette en avant pour pousser sa cousine hors du chemin de ce tunnel de ténèbres. Elle saute, mais n'atterrira pas. Elle reste plutôt suspendue dans un rayon de douleur – pas de pensée, de muscles, de peau, d'os – et puis le kami la dépasse. La douleur pénètre tout espace entre ses cellules. Depuis ce moment, elle serait remplie de trous, une centaine de milliers de coupures de papier, impossibles à guérir.

Sans voir, elle se sent heurter le sol.



SOKENZANSHI. CENTRE-VILLE.
Dix ans après l'attaque.

Le vent siffle dans l'allée, et Heiko lance un juron quand le froid pénètre sa veste. Elle pensait être préparée pour l'hiver, mais elle réalise à présent que l'hiver signifie une chose dans les jardins d'Eiganjo, et en signifie une tout autre dans le montagneux Sokenzanshi.

Une partie d'elle savoure le froid. Cela lui plaît bien de venir seule dans cette ville où elle ne connaît rien ni personne. Cela lui plaît bien de fuir sa famille au moment où son dix-huitième anniversaire est arrivé. Mais elle n'aurait pu rester à Eiganjo une minute de plus que nécessaire. Elle ne pouvait supporter la manière dont ses parents prononçaient son nom comme une marque de honte. Elle ne pouvait supporter que les siens la blâment pour les blessures de Norika.

Mais pire que tout, pendant longtemps, Heiko ne pouvait supporter de croiser le regard de Norika. Chaque fois qu'elle regardait sa cousine, elle voyait le corps raide de Norika, dans son lit d'hôpital, comme les neuf mois qui avaient suivi l'attaque du kami. Bien que Norika se renforce de jour en jour, apprenant à utiliser la neuroprothèse que les médecins impériaux lui avaient offerte, étudiant pour l'examen d'entrée parmi les samouraïs impériaux, faisant tout ce que la famille aurait craint qu'elle perde. Le temps que Heiko trouve le courage de parler à sa cousine, Norika était devenue distante, préoccupée par l'entraînement et ses nouveaux amis cadets. Et Heiko, tellement habituée à être au premier plan, se trouva reléguée à l'arrière.

Alors maintenant elle marche dans les rues glacées d'une ville étrange, sans même, dans ses vêtements, une technologie suffisante pour repousser le vent. Et elle ne peut que savourer qu'à demi le froid, parce qu'aussi, elle est affamée.







A un coin, elle trouve la rue bondée, réunie dans ce qui semble être tous leurs vêtements à la fois. Ils forment une queue enroulée, en haillons, jusqu'à un énorme feu de cuisson au milieu de la rue. Deux personnes versent à la louche de la soupe de riz d'un chaudron qui leur va jusqu'à la taille.

Les gens rappelaient à Heiko les rangs de pèlerins cherchant à obtenir audience avec l'Impératrice, avant qu'elle disparaisse. Mais ces pèlerins avaient toujours l'air sinistres et épuisés, alors que l'humeur d'ici était chaleureuse malgré le froid. Les gens se sourient mutuellement, et les enfants se précipitent entre les jambes des adultes.

Heiko contourne la foule, à la recherche d'un endroit où acheter un repas. Elle a presque dépassé les serveurs au chaudron quand l'un d'entre eux l'appelle.

« Si tu veux à manger, tu dois faire la queue ! »
Elle est agitée : « Quoi ? »
Le serveur secoue la tête : « Je ne hais rien plus que ceux qui dépassent.
– Oh, non, je n'ai pas besoin de... ça... » essaie-t-elle d'expliquer.
Le serveur la regarde de haut en bas. « Tu as bien l'air d'en avoir besoin.
– Je veux dire... d'autres gens en ont plus besoin. J'ai de l'argent. Je suis juste à la recherche des Insurrectionnaires. »
Le serveur lève un sourcil. « A la recherche des Insurrectionnaires, mais trop bien pour manger notre cuisine ? »
Une autre bouffée de vent détache ce qui reste de la contenance de Heiko. « Oh, je ne pensais pas... vous ? »
Le serveur fait une petite révérence : « Tu t'attendais à ce que nous soyons tous des combattants ? »

Il a un visage rond et des yeux pleins d'astuce. Au-dessus de sa tête, les ombres de trois théières à longue hanse tournent en orbite, paresseux. Heiko essaie de formuler une réponse quand trois méchas impériaux apparaissent à l'autre bout du pâté de maisons.

« Cette assemblée n'est pas autorisée, tonne leur voix amplifiée. Cette rue doit être accessible aux véhicules. »
Ils avancent et forcent la file pour la soupe à se défaire et à aller sur les trottoirs. Le serveur fait un geste de la louche et appelle la foule : « Restez calmes ! On va changer d'endroit ! Personne ne doit... »
Mais il est coupé par les méchas, qui surplombent le chaudron de soupe, l'armure claquant dans le vent. Le mécha de plomb crache un ticket brillant d'une rainure sur son torse. « Distribution de nourriture non-autorisée. Pour contester cette amende, veuillez contacter le dépôt impérial à... »

SPLAT. Une boule de neige frappe le mécha derrière le heaume. La neige fondue s'écoule de l'armure aux écailles blanches. Le mécha se retourne, et Heiko se rend compte que derrière lui, la plupart des gens qui faisaient la queue ne sont plus emmitouflés dans leur haillons d'hiver. Sous leurs vêtements bosselés, ils révèlent des exotenues émaillées, customisées et faites main, des craquelures brillantes courant entre les plates de céramique.

Le mécha avance vers eux, crachant des tickets : « Possession non-autorisée d'augmentations technologiques. Pour contester, veuillez contac... »

SPLAT. Une autre boule de neige le frappe, cette fois de la direction opposée.

Heiko presse sa paume contre son visage, essayant d'amoindrir la piqûre de la balle de glace qu'elle vient de lancer.

« Hm... A ta place, je courrais. » La voix du serveur est calme ; ses théières tournent très près de sa tête. « Maintenant. » Heiko court.



Elle passe ce qui lui semble des heures, accroupie entre les bâtiments, courant d'un mur à l'autre des chaudes forges et armureries, jusqu'à ne plus entendre le cliquetis des méchas qui la pourchassent. Ce n'est que quand elle est sûre qu'elle les a semés qu'elle tire sa silhouette humide, tremblante, affamée, du seuil du seul café qu'elle trouve.

L'intérieur est assombri par la fumée et les souffles. Des tuyaux dans les murs maintiennent l'eau chauffée par la forge, afin d'apporter de la chaleur dans toutes les pièces. Des gens parlent autour de tables basses, des dispositifs lumineux élevés entre eux. Des menus luisants et de nouveaux bulletins glissent sur les murs.

Clignant des yeux pour s'adapter à cette luminosité, Heiko se dirige vers le comptoir arrière. Un serveur prépare des rouleaux d'algues et les dépose dans un pot. Pendant qu'il travaille, trois théières à la longue hanse planent au-dessus du pot et versent de l'eau bouillante une par une. Heiko halète : « Encore toi ? »
Les yeux pleins d'astuce du serveur étincèlent. « Tu dois être bonne à la course.
– J'ai de la pratique. »
Le visage du serveur se fend d'un sourire. « Avant, je t'ai dit que tu avais l'air d'avoir besoin d'un repas, mais maintenant tu as vraiment l'air d'en avoir besoin. »
Heiko ne proteste pas. Perchée sur un tabouret de comptoir, elle inspire un bol de bouillon fumant et des rouleaux d'algues, des cercles dorés de graisse miroitant à la surface. Pendant qu'elle mange, elle essaie de s'expliquer : « Merci. Désolée. Je suis venue sans plan. Je sais juste... je suis censée trouver Risona. »
Le serveur rit : « Tout le monde veut trouver Risona. Qu'est-ce qui te rend spéciale ?
– Rien, je...
– Tu ne penses pas être spéciale ?
– Non, mais...
– Je te taquine. Tu te débrouilles bien. Je m'appelle Chiye. » Il la salue avec sa louche. « Et si tu te tournes, continua-t-il en faisant un geste vers derrière elle, voici Risona. »
Dans le coin le plus sombre de l'échoppe, une silhouette est assise, enroulée dans un manteau volumineux. Quand Heiko se retourne, la silhouette se lève et repousse sa capuche. Risona est grande et grave, des cordelettes rouges tressées dans ses cheveux et des lignes autour des yeux. Quand elle parle, sa voix est chaude mais sévère : « Lancer cette boule de neige était stupide. »
Le ventre plein, Heiko a la force d'indigner : « On me le dit souvent, comme si ça allait m'arrêter. »
Risona lâche un rire, sinistre. « Tu dois être une petite fille de riches, si on essaie seulement de t'arrêter avec des mots. »
Heiko voudrait dire quelque chose de tranchant en réponse, mais une voix dans sa tête murmure : Attends. Elle avale sa réplique et décide de tenter l'honnêteté. « Ma famille sert le Conseil Impérial. Mais je ne suis plus des leurs. Je ne peux pas. Je dois repartir à la case départ. » Elle regarde Risona dans les yeux. « J'espère le faire avec des gens qui croient en la justice. »

Elle pense – espère – qu'elle voit l'expression sinistre de Risona tempérée par un éclair de générosité.

« Tu as un bon bras, rapide sur tes pieds. Aucun contrôle de tes pulsions, mais...
– J'ai un peu de contrôle ! »
Risona soupire. « Mais, Chiye que voici me dit qu'il te parrainera. »
Chiye intervient : « Je sens quelque chose. »
Risona se penche pour se rapprocher de Heiko. « Ce n'est pas une vie facile. Chaque saison, les Impériaux insistent pour dire qu'elle sera meilleure. Mais chaque saison, il nous revient à chacun de se tenir les uns les autres en vie. Est-ce vraiment ce que tu veux ? »
Heiko ressent une chaleur, au fond de son ventre. Peut-être que c'est la soupe fumante. Peut-être que c'est la satisfaction de voir la boule de neige frapper le mécha. Peut-être que c'est la chaleur du sourire de Chiye, qu'elle peut sentir même le dos tourné. Elle croise le regard de Risona : « Oui. »



EIGANJO. COUR IMPERIALE.
Douze ans après l'attaque.

Norika est assise dans la chaise des médecins, respirant profondément tandis que des aiguilles traversent son corps et transpercent sa peau. Ses bras, jambes et dos sont couverts avec des conceptions turquoise intriquées entre elles. De loin, elles semblaient des tatouages, mais de près elles avaient plus de dimensions : des augments fichés dans sa chair.

Après que le kami inconnu l'avait traversé, elle fut paralysé des semaines durant, ruinée de douleur. Nul ne savait comment ou quand elle se rétablirait. Puis les Impériaux offrirent une neuroprothèse nouvellement approuvée à sa famille, et en neuf mois, les prothèses grandirent en elle comme du lichen. Quand les drogues disparurent enfin et qu'elle put de nouveau s'asseoir, elle se sentit euphorique. La douleur n'était plus le monstre qui la secouait entre ses dents, mais un compagnon à entretenir.

Les années passant, elle laisse la douleur lui enseigner la patience et le repos. Elle apprend à valoriser le calme autant que l'action. Elle s'entraîne dès qu'elle le peut, et quand elle ne le peut pas, elle lit de l'histoire, de la poésie, de la botanique. Elle apprend à s'occuper d'elle-même et essaye de ne pas trop penser à sa cousine cadette qu'elle avait autrefois entretenue comme sa propre ombre. Quand ses flambées de douleur deviennent trop fréquentes, elle revient voir les médecins pour mettre à jour ses augments.

Au départ, ses enseignants à l'académie ne savent pas quoi faire de cette étudiante qui cite les épopées comme un vieil érudit et est parfois absente des semaines. Elle gagne leur respect par sa volonté d'écouter, et de voir les problèmes sous de nouveaux angles. Après l'examen final, elle est acceptée comme aide à la conseillère impériale Naomi. Puis l'impératrice disparaît. Tandis que l'influence de Naomi s'étend, les responsabilités de Norika font de même. Elle devient gestionnaire en chef de la fusion d'Eiganjo, la même qui avait autrefois vomi le kami qui l'avait attaquée. Elle a gardé cette position depuis quatre ans.

Aujourd'hui, pendant que les machines médicales travaillent sur ses mises à jour, Norika contemple sa conversation la plus récente avec Naomi. Une semaine auparavant, son mentor l'avait invoquée à la chambre de stratégie, où se trouvait une carte topographique du royaume surmontée d'hologrammes de trains en marche, de méchas volants et de portails de fusion clignotants. Quand Norika entra, Naomi dirigea son attention sur le sud de la carte : « Le problème des bandits de Sokenzashi est hors de contrôle. J'ai besoin que tu prennes le commandement là-bas. »







« Sokenzanshi ? » Quelque chose se serra dans l'estomac de Norika.
« Je sais, c'est loin. Et froid. Et ce ne sera pas un travail glamour. » Naomi fit une pause. « Mais je pense qu'un changement est important. Ça ne doit pas être simple, de servir à ce portail, au vu de ton histoire. »

Norika commença à protester mais sa voix lui faillit. Son mentor était doué pour dire les vérités que d'autres préféraient éviter. Norika était, en effet, fatiguée d'Eiganjo. Elle était prête au changement.

Dans le présent, la machine bipe pour l'informer que ses mises à jour sont accomplies. Norika s'asseoit. Son corps lui semble revigoré, mais la boule dans sa gorge persiste. Ce n'est pas que ce travail soit froid et peu glamour ; Norika accueille un tel défi. Mais elle sent que quelque chose l'attend à Sozenkanshi, un règlement de comptes qu'elle ne peut encore nommer.

SOKENZANSHI. CIRCONSCRIPTION DE L'ENTREPÔT.
Douze ans et six mois après l'attaque.

C'est minuit passé, et Heiko et Chiye volent un train. Un jour, imagine Heiko, ils pourraient passer un autre genre de soirée ensemble. Un dîner à observer les gens dans un restaurant, ou mettre une belle tenue pour aller voir une pièce de théâtre. Mais quand Chiye entendait des rumeurs à propos de wagons impériaux attendant, verrouillés et pleins de provisions, à la gare en banlieue de la ville, il ne pouvait penser à rien d'autre. Et donc, cette nuit, comme tant d'autres de leurs nuits, se passe en armure légère et en manteau sombre, à surveiller des coins, à rester dans l'ombre pendant leur course.

La lune est cachée, et la gare est silencieuse. Le wagon est sécurisé par un simple verrou rouillé. Les théières de Chiye tirent des jets de vapeur concentrés sur le loquet du verrou, et le mécanisme se brise.

Chiye fronce les sourcils. « C'était trop facile.
– Ou bien c'était une application parfaite de tes capacités uniques ? »
Chiye roule des yeux. « C'était trop facile. »

Il soulève la porte coulissante. Le wagon est rempli d'assez de provisions pour des centaines de gens. Il y a à peine assez d'espace pour marcher entre les palettes de riz, les boisseaux de farine et d'orge, des caisses avec marqué « poisson conservé » et « légumes ».

Heiko secoue la tête de dégoût. « Comment osent-ils thésauriser tout ça ? Quand les gens fouillent les poubelles pour nourrir leurs enfants ? »
Chiye lui touche doucement le bras. « Après, les discours. Faisons ça vite. J'ai entendu qu'un nouvel administrateur vient d'arriver, qui réprime bien. » Il fait sortir une caisse par la porte du wagon et sur le chariot flottant qu'ils ont apporté.
Heiko saute à côté de lui et soulève une palette. « L'administrateur devrait nous remercier, vraiment. Toute cette nourriture a été malencontreusement oubliée, et nous nous sommes heureusement trouvés au bon endroit pour la donner à ses propriétaires légitimes : les gens affamés de Sokenzanshi. »
Une voix derrière eux ricane : « Des citoyens exemplaires pour le royaume. » Un autre toucher léger sur le bras de Heiko – mais cette fois ce n'est pas Chiye. C'est une pair de menottes automatiques, qui serrent ses poignets derrière son dos avant même qu'elle puisse atteindre son épée. Les poignets de Chiye sont aussi liés. Deux argousins impériaux les sort dy wagon et les jette au sol, accroupis pour siffler : « La commandante souhaite accorder ses remerciements en personne. »
La terre froide s'enfonce dans la joue de Heiko. Les théières autour de la tête de Chiye sifflent un cri constant à rompre les oreilles. Au travers du bruit, Heiko entend des pas, légers, précis, et le cliquètement d'une armure augmentée. Les argousins sautent pour saluer : « Commandante ! »
Heiko sent la nouvelle présence les inspecter tous deux. Une voix nuancée dit : « Je ne pensais pas que les bandits si craints de Sonkenzashi seraient si peu... subtils. »
Chiye crache : « Je ne suis pas un bandit, je suis un cuisinier. »
La commandante répond ironiquement : « J'entends que dans cette ville, on peut être les deux. »

Quelque chose dans son ton provoque un pincement au fond de l'esprit de Heiko.

Les argousins saisissent les épaules de Heiko et de Chiye pour leur faire une clef de bras. La commandante les surplombe, dans son armure blanche bordée d'or. Son heaume ressemble à des panneaux d'origami, pliés d'une manière complexe sur son visage et revenir en volutes jumelles.

A la vue de leurs visages échevelés, la commandante fait un pas en arrière. Sa main en armure vole jusqu'à la garde de son épée, le relâche, plane au-dessus de son pommeau. Quand elle parle, sa voix est devenue cassante : « Qu'est-ce que vous faites là ? »
Heiko est honteuse d'avoir permis la capture de Chiye, mais la question réinvoque son indignation : « Ce qu'on fait là ? Qu'est-ce que vous faites là, à utiliser de la nourriture pour un millier de personnes comme un piège ? Qu'est-ce que vous faites là, dans cette ville où personne ne veut de vous ? » Elle fait une fente de côté, frappe encore le sol et s'efforce de se redresser, criant toujours : « J'espère que vous mourrez tous de faim, pour que vous puissiez connaître... »

Et puis elle s'interrompt, parce que le pincement dans son cerveau est de retour. Il attire son attention vers la main gauche de la commandante. D'une manière presque imperceptible, la commandante tape le bas de deux doigts contre sa jambe en armure.

Tu dois te calmer.

La pensée impensable pour Heiko fleurit en une cascade de questions qui se heurtent les unes aux autres. Ça ne peut pas être Norika. Impossible. Les Insurrectionnaires ont instillé assez de contrôle en elle pour que son visage ne montre rien, mais son souffle change assez pour que Chiye lui jette un regard acéré.

Heiko se ressaisit aussi bien que possible avec les bras attachés dans son dos. « Maintenant que j'y pense, j'ai décidé de devenir une prisonnière modèle. » Elle lance un sourire aux argousins. « Merci pour le service que vous rendez au royaume. »
Les argousins se moquent, mais la commandante les coupe : « Je dois interroger seule ces prisonniers. Laissez-nous. » Les argousins hésitent juste assez pour que la commandante aboie : « Tout de suite ! » et puis ils se sauvent à toutes jambes sur les lignes de chemin de fer.

Quand ils sont partis, la commandante penche la tête, retire son heaume. Même dans les ténèbres, les yeux de Norika sont exactement comme Heiko s'en souvient, bien qu'ils fassent un visage d'adulte. Norika croise son regard, et le temps d'une seconde, Heiko est renvoyée à l'image de sa cousine, immobile dans son lit d'hôpital. De nouveau, son souffle est coupé dans sa gorge. A côté d'elle, elle peut sentir Chiye travailler à rassembler les informations. En réponse à la question silencieuse, Heiko dit : « Voici ma cousine, Norika Yamazaki. Nous avons passé notre enfance ensemble. » Elle espère que Chiye peut entendre toutes les choses non-dites qui rentrent dans cette dernière phrase.
Chiye reste silencieux un long moment. Puis : « Alors, je suppose que c'est de famille, cette tête de cochon. »

Norika rit. Elle dessine un glyphe dans les airs, et les menottes s'ouvrent.

Heiko se lève et aide Chiye à se remettre sur pieds. Elle regarde partout sauf le visage de sa cousine – son armure, ses bottes, son épée luisante, pure de tout sang. « Il semblerait que tu aies eu tout ce que tu voulais.
– Pas vraiment. » La voix de Norika semblait presque joyeuse. « J'aurais pris un meilleur endroit pour des retrouvailles. »
La sensation revient dans les mains de Heiko et, avec, sa colère. Comment Norika osait-elle rire ? « Je ne blaguais pas, tu sais. Te demander pourquoi tu étais là, quand des gens meurent de...
– Je sais, la coupe Norika. Tu as raison, je ne veux pas que quiconque meure encore. Je suis ici pour régler ça. Et quand je t'ai vue, je m'en suis rendue compte – Heiko, c'est une opportunité. »
La transition douce de Norika vers la diplomatie remplit Heiko de plus de rage. « Je ne suis pas une collaboratrice. » Le mot tranche dans la nuit calme.
L'expression de Norika se raidit. « Nous avons grandi dans une maison d'Impériaux.
– Oui, et je suis partie.
– Et à présent tu agis comme un enfant.
– En vérité, elle agit comme une Insurrectionnaire, lance Chiye. Peut-être l'as-tu entendu ? Les Insurrectionnaires prennent tout le monde. Peu importe leurs origines... peu recommandables. »
Norika sourit, amusée. « Oh, j'ai entendu bien des choses sur les Insurrectionnaires. »
Heiko se sent nauséeuse. C'est pourquoi elle est partie. Rien ne pouvait être facile entre elles. Chaque mot prononcé ne faisait que démêler les choses plus vite. Elle tourne autour de Norika. « Sommes-nous tes prisonniers ? »
Norika s'éloigne. « Je ne te ferais jamais ça.
– Quel cadeau, crache Heiko. Allons-y.
– Heiko, ne t'éloigne pas de moi cette fois. » Norika a l'air désespérée. « Pas cette fois.
– Tu n'as pas à me commander.
– Je te le demande. S'il te plaît, Heiko. Attends. »

Cette phrase fait se glacer Heiko sur place. Elle fait mal. Et cela fait mal d'admettre que cela fait mal. La manière dont ces mots résonnent, dans des années lointaines. Heiko prend une profonde inspiration et se tourne vers Chiye.

« Tu devrais y aller. Va trouver Risona. Dis-lui que c'est un piège. Dis-lui que je vais bien. »
Chiye lui saisit les épaules. « Pas moyen que je te laisse seule avec une commandante impériale. Je me fous de savoir de qui c'est la cousine. »
Heiko prend le visage de Chiye. « Et c'est pour ça que je t'aime, mais s'il te plaît, fais-moi confiance.
– C'est pour ça que quoi ?
– Je veux dire... tu dois y aller maintenant.
– Dis-le encore.
– Je t'aime, maintenant fous le camp. »
Chiye flâne à quelques centimètres du visage de Norika. « As-tu entendu ? Cette personne juste là vient de dire qu'elle m'aime. A présent, je ne lui ai pas encore dit, mais je l'aime, moi aussi. Et si tu touches à un seul cheveu de sa tête, tu vois ces théières ? Leur vapeur peut faire fondre la chair sur un visage humain en une seconde et demi. Tu comprends ? »

A l'autre bout des voies, il envoie un baiser à Heiko, puis s'évanouit dans l'ombre.

Norika regarde Heiko. « Tu es vraiment l'une d'entre eux à présent. »
Heiko ne peut s'empêcher de mettre quelque amertume dans sa voix : « Ma vraie famille ne voulait pas de moi.
– La plupart des gens, répondit Norika dont la bouche était pincée, se rebellent contre leur famille, mais ils ne se rebellent pas contre le royaume entier.
– Tu te foutais de savoir ce que je ressentais à l'époque, et tu n'as plus à t'y intéresser maintenant. »
Norika réduit la distance entre elles et saisit la tunique de Heiko. « Ne t'avise pas de dire que je me fous de toi. Ne t'avise pas de dire ça. »
Le cœur de Heiko bat la chamade. Elle voit des larmes au coin des yeux de Norika. Elle marmonne : « Je n'ai pas dit... je ne voulais pas dire ça. »
Norika la lâche. Elle essuie ses yeux aussi vite qu'elle peut. « Tu sais toujours comment m'avoir. »
Heiko plisse les yeux. « Tu savais que j'étais là, non ? C'est pour cela que tu as accepté cette position. La pensée que je pourrais t'aider. »
Là, ce fut au tour de Norika de baisser les yeux. « Je n'en étais pas certaine. Je le sentais. Et mon instinct a souvent raison. »
Heiko fait un pas en arrière. « J'ai entendu des histoires à propos de toi. Ton ambition. Poétesse-guerrière du royaume. Est-ce que je suis juste une autre marche dans ton ascension vers le pouvoir ? »







« Et toi ? Tu laisserais ta famille de cœur mourir de faim juste par fierté ? Pour me mépriser ?
– Tu es comme le reste de notre famille. Tu penses que je suis censée passer toute ma vie à te devoir quelque chose à cause de l'accident, sans moyen d'y échapper un jour. »
Leurs visages sont à quelque centimètres. Norika dit d'une voix de glace : « Si c'est vrai, c'est comme pour moi, qui dois passer toute ma vie à me souvenir de ce moment, dans chaque nerf de mon corps. Je ne peux pas échapper non plus. »
A ces mots, Heiko sent une douleur comme un coup de couteau qu'elle ne peut supporter, alors elle la transmute en colère : « Eloigne-toi de moi. » Elle bouscule Norika, mais sa cousine la bloque de nouveau, cette fois l'épée en travers de la poitrine de Heiko. L'éclat de l'acier fait grogner Heiko et la dégainer son épée. Norika tournoie et saute en travers de son chemin une troisième fois, et Heiko attaque avec sérieux, du feu ondulant autour de sa lame. Sa colère la rend folle, et elle bondit en visant la gorge de Norika.

Mais Norika, en parfaite forme, feinte, se désengage, et sonne Heiko d'un seul coup. Heiko atterrit rudement, sa pommette contre la voie ferrée. Elle ressent un goût d'acier. Elle sent que le sang coule sur son visage.

Norika bondit sur elle, pressant son épée contre la gorge de Heiko. « Idiote. » Elle respire difficilement. « Je ne suis pas venue ici pour te faire payer. Je suis venue ici pour te pardonner. »

La pression de l'épée disparaît, et l'épée heurte la voie. Norika se lève, et Heiko s'efforce de s'accroupir. Elle conserve une expression rigide comme un masque. Si elle parle, c'est pour pleurer.

Norika se maintient, les mains ouvertes et tendues. « Ma cousine. Oublie la culpabilité.
– Je ne suis pas... s'étrangle-t-elle, je ne suis pas celle que j'étais. »
Norika secoue la tête. « Et moi non plus. Mais donne-moi une chance, Heiko. »
Sa cousine résiste : « Ce n'est pas un jeu. Tu connais ça comme des chiffres dans des tableurs, des modèles que tu mets sur une carte, mais il y a un monde entier ici que tu ne peux pas comprendre.
– Alors montre-moi ? » dit Norika en se penchant, les yeux fixés sur Heiko, puis elle ramasse son épée et la rengaine. « Montre-moi Sokenzanshi ? » Sa voix calme, égale, est formée par des ans d'entraînement à la diplomatie.
Heiko ne peut s'empêcher de se figurer la possibilité qu'elle propose. Une ville avec assez de nourriture pour tout le monde. Un hiver où personne ne meurt. Mais après, la vision s'effrite. « Je ne peux pas marcher à tes côtés ici. » Heiko fait une pause. Il est plus simple de penser au problème pratique que d'embrasser les marées plus grandes qui s'élèvent en elle. « Garde ton épée tirée. Fais comme si j'étais ta prisonnière. »
Norika a l'air sceptique. « Si j'étais un Insurrectionnaire, qui regardait à sa fenêtre, et que je voyais une Impériale tenir ma bien-aimée Heiko à la pointe de l'épée, je jetterais un projectile à travers cette fenêtre.
– Cela pourrait t'arriver dans les deux cas.
– Alors peut-être que nous prenons tous les deux un risque ? »
C'est le tour de Heiko d'avoir l'air sceptique. « Tu ne prends jamais de risques. »
Le sourire désabusé de Norika revient. « Cela pourrait te surprendre, cousine, mais j'ai aussi changé en douze ans. »
Elles quittent la gare et marchent ensemble vers le cœur de la ville. Les rues sont calmes. Heiko sait qu'on les observe. Son cœur bondit – Risona pourrait la bannir pour cela. Chiye pourrait partir. Sa deuxième famille pourrait la rejeter aussi aisément que la première.

Elles passent des groupes de bâtiments en bois accolés les uns aux autres. De la lessive est suspendue aux balcons et les bottes à neige sont alignées sur les seuils. Heiko les pointe : « Ces appartements accueillent des fermiers qui ont perdu leurs terres. Des familles sans foyer. Les Insurrectionnaires les garde au chaud, s'occupent de l'eau et de l'énergie. Au-delà, on a le hall-cantine où nous servons le petit-déjeuner. Au-delà de cette colline, il y a une école que nous gérons pour les enfants des familles exilées. » Pour qu'ils apprennent plus que la propagande impériale, s'empêche-t-elle de dire.
Heiko se rend compte avec irritation qu'elle continue de vérifier les réactions de sa cousine, à la recherche de l'approbation de sa cousine. Norika écoute avec attention, et pose des questions sensibles et logistiques : « Comment organisez-vous les dons de moissons ? » « Qui coordonne le travail de cuisine ? »

Elles tournent à un coin, discutent de l'alimentation des forges par les puits géothermiques, et Norika s'interrompt avec un halètement. Risona tient une hache contre sa gorge. Des guerriers insurrectionnaires les encerclent.

Risona grogne : « La petite balade est finie. » De sa hache, elle bloque le cou de Norika. Heiko voit un éclair turquoise sous le pectoral de sa cousine.
Chiye court sur Heiko et pousse ses cheveux pour scruter l'abrasion sur sa tempe. Il se tourne pour lancer un regard assassin à Norika : « Une seconde et demie, Commandante, vous vous souvenez ? »
Heiko choisit très prudemment ses mots : « Tout va bien, Risona, Chiye. La commandante et moi essayons de trouver un arrangement.
– Heiko, la réprimande Risona, les Impériaux parlent en cercles. Ils te piégeront avec leurs mots.
– Je sais. Écoute-moi. La commandante nous a accordé le contenu de l'entrepôt impérial. Ils vont arrêter de faire pression sur les fermiers pour des taxes impériales. »
Risona lance un regard plein de dédain à Norika. « Est-ce vrai, administrateur ? »

Norika reste silencieuse un long moment. Désespérément, Heiko tape son orteil droit contre le talon de sa botte gauche. S'il te plaît, fais avec.

Norika prend une profonde inspiration, gênée par la hache de Risona qui appuie toujours sur sa gorge : « J'honorerai ces accords. »
Heiko sent une vague de soulagement, mais Risona grogne : « Ça ne suffira pas. La limacerie des Impériaux continuera à laisser des gens mourir. Mettre des pansements sur des fissures sur la digue ne fait rien, il faut que la digue brise.
– Vous faites un impressionnant travail à vous occuper d'une ville, mais ce n'est pas la même chose que de diriger un royaume, explique calmement Norika. Le Conseil doit prendre des décisions pour tous, pas seulement pour les gens face à lui. »

Heiko se retrouve à admirer la contenance de Norika, et à espérer que sa cousine va se taire avant que Risona la scie en deux.

Risona rétorque : « Si vous laissez les gens prendre les décisions d'eux-mêmes, pas besoin de les diriger.
– Vous êtes un chef respecté, reconnaît Norika. Des milliers de gens vous admirent. Je suis sûre que vous savez que ce n'est pas si simple.
– Cela pourrait l'être. » La bouche de Risona est sombre. « Les Impériaux sont ceux qui insistent sur la complexité.
– Qu'ils nous laissent tranquilles, alors, » oppose Heiko. Elle désespère d'empêcher l'escalade de la dispute, mais elle essaie de garder sa voix aussi mesurée que celle de sa cousine. Avec un regard vers Norika, elle dit : « Les Impériaux cesseront d'imposer des restrictions sur la technologie dans la région. Vous nous laisserez nous occuper des voleurs à notre manière. Sokenzanshi sera une ville libre. « 
Norika regarde Heiko avec des yeux profonds, impossibles à lire : « Il serait plus simple de considérer ces conditions sans hache contre la gorge. »

Heiko acquiesce, et à sa grande surprise, Risona retire son arme.

Norika se masse la clavicule. « Je peux transférer vos propositions à Naomi et au Conseil. Ma parole n'a aucune valeur sans leur approbation. »
Chiye se fend d'un rire : « Vous voyez ? Toujours plus de parlote en cercles. Comment serons-nous sûrs que tu vas défendre notre proposition ? »
Maintenant, Norika donne à Chiye toute la force de son regard. Ils se fixent pendant longtemps. Enfin, Norika dit : « J'en sais assez sur la douleur. Je ne veux pas en voir plus que nécessaire. »
Les théières de Chiye se stoppent dans les airs. Il acquiesce. « Nous avons un arrangement, là. Théoriquement. »
Risona fait un pas pour arriver entre eux. « Même si tu tiens parole, ce dont je doute, je n'éteindrai pas la révolte. Les Impériaux ont causé plus de souffrance que tu peux espérer en guérir. »
Heiko se raidit, mais Norika fait une révérence. « J'espère seulement, alors, que vous vous souviendrez de mon honnêteté avec vous.
– C'est à voir. » Risona montre d'un geste les guerriers autour d'eux. « Nous te surveillerons de près. Heiko, escorte l'administratrice hors de notre territoire.



Elles refont le chemin inverse et sortent de la cité enneigée. Les lumières chaudes des forges brillent au travers des fenêtres qui les entourent. Heiko surveille sa cousine pendant qu'elle marche. Elle peut voir les roues tourner dans l'esprit de Norika. Des comités auxquels parler et des propositions à écrire. Des négociations à mener, des marchés à faire. Des experts à quérir, des technologies à évaluer, des régulations à griffonner.

« Tu y crois vraiment, n'est-ce pas ? » demande Heiko.
Norika y réfléchit. « Pas aux décisions qu'on fait, pas toujours. Mais je crois bien que nous sommes sur le bon chemin.
– Même s'il mène à le rébellion ? »
Norika observe un flocon de neige fondre sur le bout de son doigt. Elle se tourne vers Heiko, et ses yeux débordants de chagrin et d'amour. « Même là. »







Elles atteignent l'avant-poste des Impériaux. Des argousins grouillent autour de l'entrée, accompagnés de méchas et de drones. Norika leur ordonne de se mettre au repos. Ses gestes sont gracieux, déterminants. Elle a l'air d'une héroïne de roman, pense Heiko. Les soldats se rallient à elle. Des politiciens lui laissent la voie ouverte. Même ses ennemis doivent la respecter.

Comme si elle avait entendu cette pensée, Norika plissa les yeux. « Tu penses que nous sommes ennemies, cousine ? »
La réponse de Heiko est la chose la plus vraie qu'elle aie jamais dite, mais elle ne le savait pas jusqu'à ce jour. « Non. » Elle s'arrête après ce seul mot. Il y a trop à dire. Une décennie les a portées dans des directions opposées. Leur langue secrète de l'enfance ne contient aucun geste pour nommer la distance qu'il y a à présent entre elles. Heiko choisit soigneusement ses mots : « Mais je ne sais pas encore si nous sommes alliées. »
Norika acquiesce : « Je suis d'accord. »

Elles se serrent la main. Elles ne s'embrassent pas. Norika traverse les rangs d'argousins qui la saluent quand elle passe. Heiko l'observe jusqu'à ce que tous les soldats l'aient suivie à l'intérieur et que la cour soit réduite au silence. Puis elle se retourne et commence à remonter la côte, vers la ville et ses feux, où elle sait que sa famille l'attend.

Alors c'était comment ?

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L'auteur

Drark Onogard
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Le Dark Mogwaï

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Je m'assois sur son trône, le sceptre dressé vers le ciel et vomis sur les miséreux qui se pressent à mes pieds pour implorer clémence et pitié.

—In Nomine Dark Mogwaïs, Livre 6, chapitre 6, chant 6

Proposé par Dark Mogwaï le 19/06/2012

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