[ALMERIA] Sauvage Sauvage Sangami
[ALMERIA] Sauvage Sauvage Sangami
Discussion ouverte par Orstal Le 29/09/2023
Discussion ouverte par Orstal Le 29/09/2023
Les lignes autobiographiques qui vont suivre dépeignent bien plus sincèrement ma modeste histoire et devraient faire taire ces malheureux mensonges.
Chapitre II : une entrée au second plan.
Une bonne histoire démarrerait sobrement par un prologue, voire un chapitre I mettant en place le contexte et la personnalité du héros. Mais comme je vous l'ai dit, je ne suis pas un héros. Juste un sangami souhaitant répandre la Foi dans le multivers. Bref, ce récit commence ainsi :
Alors que je sens les éternités aveugles se refermer dans mon sillage, je me matérialise sur un plan inconnu. Aujourd'hui, je sais qu'on le nomme Almeria, qu'il est peuplé par de nombreuses races, que les elfes sont divisés en trois tribus, qu'on peut perdre bien plus que de la monnaie dans les casinos et l'alcool... Mais aucune de ces informations n'aurait de toute façon d'importance alors que je me matérialise à une bonne dizaine de mètre du sol. Fort heureusement, les branches de quelques conifères amortissent ma descente et étouffent mon cri de surprise, me laissant à terre, couvert d'ecchymoses et d'aiguilles collées par la sève.
Une bonne histoire démarrerait par une chute. La mienne commence mal.
Tout en étirant mes muscles endoloris, j'observe l'aube pointer à l'horizon sous la forme de deux soleils, l'un particulièrement rouge. Le vent fait frémir les pins et quelques oiseaux prennent leur envol vers ce que j'imagine être le sud. Sortant nonchalamment une flasque d'alcool de ma besace, je me dis qu'un aussi beau paysage mérite de scander quelques vers en Son Honneur. Une branche craque et j'oublie bien vite mes belles intentions.
Après m'être assuré que je ne suis pas menacé par plus que quelques bruits, je prends la route à travers les fourrés en quête de quelques habitations.
Mon but sur ce plan ? Convertir autant d'hérétiques que possible.
Qui m'a confié cette mission ? Personne.
Quelles sont mes chances de réussites ? Bien légères si j'en crois mon expérience passée.
Orstal
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Les lignes autobiographiques qui vont suivre dépeignent bien plus sincèrement ma modeste histoire et devraient faire taire ces malheureux mensonges.
Chapitre II : une entrée au second plan.
Une bonne histoire démarrerait sobrement par un prologue, voire un chapitre I mettant en place le contexte et la personnalité du héros. Mais comme je vous l'ai dit, je ne suis pas un héros. Juste un sangami souhaitant répandre la Foi dans le multivers. Bref, ce récit commence ainsi :
Alors que je sens les éternités aveugles se refermer dans mon sillage, je me matérialise sur un plan inconnu. Aujourd'hui, je sais qu'on le nomme Almeria, qu'il est peuplé par de nombreuses races, que les elfes sont divisés en trois tribus, qu'on peut perdre bien plus que de la monnaie dans les casinos et l'alcool... Mais aucune de ces informations n'aurait de toute façon d'importance alors que je me matérialise à une bonne dizaine de mètre du sol. Fort heureusement, les branches de quelques conifères amortissent ma descente et étouffent mon cri de surprise, me laissant à terre, couvert d'ecchymoses et d'aiguilles collées par la sève.
Une bonne histoire démarrerait par une chute. La mienne commence mal.
Tout en étirant mes muscles endoloris, j'observe l'aube pointer à l'horizon sous la forme de deux soleils, l'un particulièrement rouge. Le vent fait frémir les pins et quelques oiseaux prennent leur envol vers ce que j'imagine être le sud. Sortant nonchalamment une flasque d'alcool de ma besace, je me dis qu'un aussi beau paysage mérite de scander quelques vers en Son Honneur. Une branche craque et j'oublie bien vite mes belles intentions.
Après m'être assuré que je ne suis pas menacé par plus que quelques bruits, je prends la route à travers les fourrés en quête de quelques habitations.
Mon but sur ce plan ? Convertir autant d'hérétiques que possible.
Qui m'a confié cette mission ? Personne.
Quelles sont mes chances de réussites ? Bien légères si j'en crois mon expérience passée.
Chapitre IV : À votre service...
Je sais ce que vous êtes en train de penser. Pétris d'indignation à l'idée que, non content d'avoir commencé par un chapitre II, j'éclipse tout un pan de mon histoire. La raison en est simple. Je trouvais que le titre en dirait forcément trop. J'ai longuement hésité entre les accroches suivantes :
- Comment devenir esclave pour payer ses dettes et éviter la potence.
- Pourquoi ne faut-il pas jouer au poker quand on ne sait pas mentir ?
- Mieux vaut savoir qu'il n'y a que quatre as dans un jeu et AVANT de jouer avec des adversaires qui en sortent trois chacun et à chaque tour...
Le meilleur titre reste cependant, d'après moi : Le naïf sangami et l'arnaque plus grosse que lui.
Bref, revenons au chapitre IV :
Merci pour les choppes, nabot !
Je m'inclinais docilement, satisfait de la politesse relative du client. C'était sans doute le nom d'oiseau le moins vexant par lequel on m'avait appelé ce mois-ci. Plus que 9 ans et onze mois comme celui-ci et j'aurais fini d'éponger mes créances. Les sobriquets étaient un fardeau bien léger à porter en comparaison des armes à feu maniées par les agités de la gâchette qui semblaient peupler ce plan... Pas une semaine ne passait sans qu'un accident malencontreux ne vienne éclaircir davantage les murs de bois du saloon. Un client est mort il y a trois jours. Comme moi, ils l'ont entraîné dans un jeu qu'il ne pouvait gagner. Contrairement à moi, il a refusé de porter le collier. Trois tirs au côté droit et j'ai pu apprendre à nettoyer les tâches de sang les plus coriaces.
La servitude m'allait mal, mais maintenant que ce foutu azra, mon maître, m'avait lié à lui par ce foutu pacte, je n'avais plus vraiment mon mot à dire. À vrai dire, vu que l'un de ses premiers ordres a été de me dire de me taire, je n'avais plus dit un mot depuis des lustres... un comble pour un skald !
Ma croisade personnelle sur Almeria se trouvait dans une impasse. Une impasse dans laquelle on avait placé une charrette de bouse.
Ma commande délivrée, je retournais auprès du vieux Bill, barman improvisé et ancien client. Lui aussi portait le collier.
T'empeste gamin ! Va donc plonger tes miches dans le baril à l'arrière. Le Baron d'vrait plus tarder à arriver et j'ai pas envie qu'il m'reproche l'odeur ambiante. Allez, exécution !
Encore une fois, je n'avais pas vraiment mon mot à dire. Bien que Bill n'ait pas l'Autorité sur moi, il était le seul en lequel je pouvais avoir à peu près confiance dans ce bouge. L'eau du baril était croupie, mais c'était de toute façon une denrée rare dans ses contrées. Bien décidé à survivre, je fis de mon mieux pour contenir mes larmes. Je crois que c'est à cet instant que j'ai réalisé que convertir des individus à travers les plans, ça ne s'improvisait pas.
Magne-toi gamin ! C'est le Baron!
Depuis le début de ma servitude, Bill était persuadé que j'étais un enfant. Je n'avais pas encore osé le contredire. Après un brin de toilette, je rejoignais la pièce principale.
Le Baron poussa les portes du saloon suivi par deux silhouettes encapuchonnées et vêtues de haillons longs. Il tenait à sa main deux chaînes qui arrivait au niveau du coup de ses suivants. Les clients s'étaient tous tus à son arrivée. Le Baron avait le sourire. Et quand un azra affiche un sourire aussi large que ses cornes ça pouvait être un très bon comme un très mauvais présage.
Bill, je monte dans le salon bleu, tu reste ici et assure le service. Petit, tu viens avec nous.
Contents que la menace ne s'attardait pas sur eux, les clients reprirent leurs activités. Bill s'inclina servilement et j'emboîtais le pas au Baron et à ses captifs. L'une des silhouettes avait une allure fine et féminine, l'autre était plus massive et une queue couverte d'écailles pourpres dépassait de ses vêtements.
Le Baron, Welnac Wellbron de son vrai nom, s'installa sur un fauteuil massif et croisa ses jambes sur un secrétaire, dominant ainsi se petite assemblée par le regard et par ce qu'il estimait être de la prestance. Ainsi installé, il décida de prendre le temps de s'allumer un cigare, faisant apparaître une gerbe de flammes au niveau de son pouce crochu. C'était là l'une des deux magies caractéristiques de cette espèce sur Alméria : pyromancie et contractomancie. Welnac Wellbron était bien plus efficient dans cette seconde catégorie.
Après avoir inspiré quelques bouffées de tabac et pollué l'air ambiant, le Baron se mit à feuilleter un carnet à la couverture sombre.
Voyons-voir... Orstal Mogaï, dix ans de servitudes depuis le douze... Occupation et capacités à déterminer... Et au niveau de l'Autorité : trois Contraintes. Ne pas parler, ne pas sortir du saloon, ne pas exercer la moindre forme d'agression physique... Je crois me souvenir que votre contrat a été fait dans la précipitation, votre dossier a quelques lacunes que nous devons combler.
Sur ces mots, l'azra se leva et apposa sa main sur mon collier.
Je lève la première contrainte et la remplace : vous avez l'autorisation de parler. Je vous suggère de faire preuve d'intelligence et de ne pas abuser de ce privilège... C'est bien clair ?
Oui...
Ma voix semblait presque fatiguée, ma gorge semblait sèche et ma langue peinait à trouver ses marques.
Esclave Orstal, je n'irai pas par quatre chemins. J'ai besoin de serviteurs de talents, et j'en ai besoin urgemment. Vous n'avez pas l'air de grand chose, mais votre espèce est inconnue à ce jour... Je suppose que vous n'êtes pas d'ici. Et que pour arriver jusqu'à moi, vous devez avoir quelques dons. Du moins je l'espère...
Sa main toujours apposée sur mon collier, il prononça les mots suivants :
Nouvelle contrainte : il vous est désormais interdit de me mentir. Qu'êtes-vous capable de réaliser ? Que pouvez-vous faire qui puisse m'intéresser ?
Je me raclais la gorge. Mentir n'était de toute façon pas mon point fort. Je me dis que j'avais des chances d'alléger ma peine si j'étais d'une quelconque utilité. À posteriori, j'aurai mieux fait de me taire....
Et bien, je connais des rites skaldes et les histories de nombreux guerriers et...
Barbant ! Capacité suivante.
J'ai des connaissances d'autres plans et...
Moi aussi et cela ne m'impressionne pas ! Au diable vos connaissances... Si un yéti était devant vous, prêt à vous tuer... Que feriez-vous ?
Je me lierai à lui par la tramepensée pour mieux le cerner et m'apprêterai à m'enfuir, ou à me battre si j'avais mon équipement...
Donc... Vous savez vous battre... Qu'est-ce que la tramepensée ?
Je peux me lier à d'autres créatures et faire en sorte que nous ressentions les émotions et intentions les uns des autres...
On dirait le début d'un roman à l'eau de rose.... Concrètement en quoi cela peut me servir ?
Je peux apaiser des clients violents, apprendre de nouvelles capacités plus rapidement en me connectant à un expert... Ah, je peux aussi augmenter grandement la coordination au sein d'un groupe.
Le Baron se tourna vers les deux esclaves au fond de la pièce.
Ooooh ! On touche enfin quelque chose d'intéressant ! Vous deux, enlevez vos capuches ! Je crois que nous venons de vous trouver un partenaire !
Chapitre 5 : Une expérience onéreuse.
Allez ! Plus fort, plus vite ! C'est mou tout ça ! T'as des spaghettis à la place des bras ou quoi ?!
Ainsi fut énoncé le début de ma sentence. Le Baron cherchait un troisième larron pour compléter sa collection de gladiateurs...
J'ai dit plus vite !
Les deux silhouettes encapuchonnées se nommaient respectivement Aïla et Skor. La première semblait être une elfe brune, délicate mais agile. Le deuxième...
Mais c'est pas possible ça !
Le deuxième était un puissant guerrier viashino, un maître des armes blanches et...
Bon ! On va pas y passer la nuit non plus ! File-moi ce balai !
Aïla arrêta un instant de me crier dessus tandis qu'elle arrachait la hampe de ma serpillère. Mon entraînement avait à peine duré vingt minutes avant qu'un coup bien placé torde mes viscères, ce qui eut pour conséquence de me faire restituer ma pitance du midi.
Et ça veut devenir gladiateur...
J'aurai pu me taire suite à cette remarque. J'aurai sans doute dû me taire, suite à cette remarque. Mais faute d'être un héros de la Secte, j'ai la répartie facile et l'honnêteté brutale.
Ça, ça n'a jamais demandé à devenir gladiateur. Ça, ça a la décence de vouloir rester en vie plutôt que de jouer le suicidaire pour un public de dégénérés et...
La douleur et le bruit sec de la serpillère sur ma tempe gauche m'apportèrent soudainement un brin de raison.
Parce que tu crois que t'es le seul à avoir une dette plus grosse que toi ? Il y a que les écailleux pour entrer de leur plein gré dans l'arène !
Le combat est un art noble.
Je suis sûre que tes victimes sont honorées d'être déchiquetées par tes nobles crocs, Skor.
Le viashino pencha la tête sur le côté et questionna Aïla.
Ça n'avait pas l'air de te déranger plus que ça la dernière fois ; tu avais même l'air plutôt satisfaite quand j'ai croqué l'aile de cet avemain...
Il allait me lacérer la gorge... Mieux valait que ce soit lui que moi.
Le Baron descendit à son tour dans la cave du saloon, les cornes en partie dissimulées par la fumée de son cigare.
Alors, que donne le nouveau ?
Il est ridiculement peu adapté à la tâche que vous lui destinez, maître.
Franchement, je ne vois pas pourquoi vous voulez le recruter. Il n'a pas la moitié de la trempe d'une brebis galeuse. En fait, je pense qu'une brebis tiendrait plus longtemps que lui.
Un sourire semblait s'esquisser derrière les volutes. Wellnac Wellbron sortit de sa manche un cristal pourpre taillé en pointe. Aussitôt, Skor s'approcha, l'eau à la bouche :
Maître : voilà une heureuse surprise pour votre humble serviteur... Est-ce pour mon prochain duel ?
Non. C'est pour tout de suite. Va t'enchaîner au mur du fond.
Avec plaisir, maître.
Le viashino s'executa en sautillant. Aïla s'approcha discrètement de la sortie.
Si vous voulez bien m'autoriser à m'excuser...
Je n'autorise pas, tu restes ici et tu observes.
Mais...
Et surtout, tu te tais.
L'elfe pinça sa lèvre inférieure avec ses dents nacrées, son inquiétude transpirant jusqu'à moi sans l'aide de la moindre tramepensée.
Je suis prêt, maître !
Le corps du viashino tremblait d'anticipation tandis que l'azra s'approchait de lui. Leurs regards se croisèrent et, soudainement, le Baron ficha la pierre dans l'épaule de son esclave. Aussitôt, ce dernier fut agité de soubresauts. Ses écailles passèrent du gris sale à l'écarlate et ses yeux se gorgèrent de sang. Skor poussa un cri effroyable et bondit. Ses crocs se refermèrent à quelques centimètres du cou de son propriétaire tandis que son corps se figea dans les airs, ancré au mur par des attaches rouillées.
Esclave Orstal, nous allons maintenant tester vos prétendus dons. Ces chaînes devraient lui résister quelques minutes.
Mais qu'est-ce que vous faîtes ?!
Je vous offre un client violent. L'essence cristallisée de mana rouge décuple les facultés physiques des reptiles mais leur fait perdre tout discernement. Utilisez vos pouvoir pour ramener à la raison ma possession, ou faîtes-vous croquer par elle.
Je ravalais ma salive avec difficulté. La tramepensée pouvait effectivement fonctionner mais... il y avait un risque non négligeable pour que ce soit les émotions de Skor qui affectent les miennes. Prudemment, je tissai un lien vers le reptile dont les écailles prenaient une teinte de plus en plus vive. Lorsque la tramepensée effleura son essence, je sentis mon être bouillonner d'une rage telle que je n'en avais jamais connu. Un tourbillon de haine ballotait mon esprit et la soif de sang m'envahit jusqu'à ce que la hampe du balai atterrisse sur ma frêle caboche. Mes yeux, pourtant ouverts, recouvrirent leur capacité. Aïla venait de me ramener de la plus directe des manières. Le baron avait disparu.
Reprends-toi le nabot ! Si t'arrives pas à le calmer, on y passe tous les deux !
Sachant maintenant à quoi m'attendre, je retissai le lien, emportant cette fois-ci avec moi le sang-froid de l'elfe gladiateur. Le tourbillon d'émotions négatives était toujours aussi fort, mais je me sentais flotter à l'intérieur sur un radeau de calme : une frêle esquisse de sérénité dans un océan de sang !
À cet instant, une chaîne céda et le monstre écailleux se jeta sur moi. Je sentis une vive douleur dans mon bras droit. Aïla poussa un cri et je sentis en elle le désir de me protéger, le désir de vivre. Emporté par cet élan positif, mon embarcation devint navire, mon navire devint l'océan et Skor reprit le contrôle.
Orstal, ton bras...
Sans que je comprenne vraiment pourquoi, la voix d'Aïla tremblait. Des applaudissements nous parvinrent depuis le saloon et le Baron redescendit les marches.
Bra-vo ! C'est la première fois que quelqu'un parvient à endiguer la frénésie d'un viashino. Il va falloir tester ça en conditions réelles !
Maître ! Il faut le soigner ou l'hémorragie lui sera fatale !
Bien sûr que nous allons le soigner, je ne voudrais pas perdre l'oie aux œufs d'or.
À cet instant, il me semble que je me suis évanoui.
Chapitre six : la tarte aux pommes
Plus que la vision saugrenue d'un TMC assaisonnant un lézard dans une poêle, ce fut l'odeur alléchante d'une tarte aux pommes qui me tira du domaine onirique. Cette promesse gastronomique et réconfortante m'offrit les quelques forces nécessaires à l'entrebâillement de paupières closes depuis l'avant-veille. Deux silhouettes se querellaient au fond d'une pièce qui me semblait vaguement familière.
Il me semble t'avoir déjà présenté mes excuses...
Tu peux aller les fourrer où je pense.
Tu sais bien que je n'étais pas dans mon état normal. Je ne t'aurais pas blessée de ma propre volonté...
Tu avais pourtant l'air ravi de succomber à l'Éclat. Je revois encore tes pupilles se dilater à l'idée de t'intoxiquer au mana rouge.
Qu'y puis-je si ma race n'atteint l'euphorie que par les joutes ou le cristal ? De plus, le maître m'avait donné un ordre...
N'insiste-pas ! Cette tarte n'est pas pour toi !
Un sourire clandestin s'infiltra sur mes lèvres. J'allai leur demander une part quand je perçus l'odeur âcre d'un cigare et décidai de continuer à faire le mort.
Bonne nouvelle les enfants ! Le sangami devrait tenir le coup. Bon, il est clair qu'il n'a pas la carrure de l'emploi, mais s'il peut éviter à Skor de tourner berserker : les prochains matchs seront du tout cuit.
Le baron marqua une pause.
Délichieuse, cette tarte. Mes compliments à la bonne. Bref, votre prochain match est prévu pour dans deux jours. Le nouveau est inscrit.
Et s'il ne se réveille pas ?
Aucune différence. Bref, je retourne à mes affaires. Entraînez-vous ou reposez-vous, mais gagnez-moi ce foutu combat.
Sur ces mots, ses boots neuves s'en allèrent crisser dans le couloir, ne laissant derrière elles qu'une odeur de tabac froid. J'ouvris alors les yeux. Aïla et Skor se tenaient dans l'entrebâillement de la porte, vérifiant que notre maître ne revenait pas en arrière. J'attrapai une part de tarte, gentiment laissée à ma portée.
Il est toujours comme cha ?
L'innocente remarque fit sursauter ceux qui étaient désormais mes coéquipiers. Je n'eus nul besoin de tramepensée pour lire le soulagement sur leurs visages, bien que le sourire de Skor me sembla un brin forcé...
Seulement dans ses bons jours. Qui t'a permis de toucher à ma tarte ?
Mille excuses, j'ai cru qu'elle était destinée à l'alité. Et puis, vous n'allez pas frapper un sangami à terre pour une part de tarte... N'est-ce pas ?
C'est plutôt à moi de vous présenter mes excuses, Orstal. Bien que je ne fus pas maître de mes actes, je vous ai tout de même atrocement mutilé...
J'ignore ce que l'on m'a administré, mais je ne ressens aucune douleur. C'était si grave que ça ?
Orstal... Les chirurgiens ont dû t'amputer d'un bras...
À ces mots, j'avalai d'une traite ma pâtisserie et plaçai mes mains devant mes prunelles. Elles étaient toujours deux. Mes doigts bougeaient normalement. Ma veste avait cependant été réduite en charpie au niveau de mon bras gauche sur lequel semblait s'être enroulée une des plumes de Zélaphas, mon illusoire ami à plumes. Les deux autres plumes avaient gardé leurs forme annelée à mes doigts.
La blague était cruelle et j'avoue avoir marché ! En fait, je marche toujours à ce genre de blagues...
Pardon Orstal, mais... De quelle blague parlez-vous ?
Les onguents étaient plus forts que je le croyais, il délire ou bien, il dénie...
Plutôt que de rentrer dans leur jeu, je décidai d'essayer de me lever en prenant appui sur ma main gauche. Main gauche qui passa au travers du matelas, suivie par mon bras et ce, jusqu'à ce que mon tronc percute l'extrémité du sommier et que je m'étale de tout mon long sur le sol de ma chambrée.
Doucement Orstal, vous êtes encore convalescent...
C'était quoi ça ?!
Orstal... Tu n'as plus de bras sur lequel t'appuyer de ce côté-là. Il va falloir que tu t'habitues à...
Mais si ! J'ai un bras, juste-là ! Regardez ! J'ai bien deux bras !
Je crains que vous ne déliriez... Par les Primécailles, vous ai-je aussi blessé à la tête ?
Fatigué par leurs doutes, je tissai un lien de tramepensée vers eux. Je perçus de la peine dans le cœur d'Aïla tandis que celui de Skor, curieusement, ne contenait pas une once de remords... Leurs yeux s'écarquillèrent soudainement tandis que la surprise fit vibrer les liens que je venais de créer.
Ça alors...
Merde ?! Orstal, ton bras est encore là !
Mais c'est impossible, j'ai encore son goût dans la bouche...
Incrédule, Aïla se saisit du bras sans que celui-ci ne la traverse. Je pouvais sentir la chaleur de sa peau sur la mienne et la douleur lorsqu'elle décida subitement d'enfoncer ses ongles dans ma chair.
Aïe ! Non, mais ça va pas ?!
Un bras fantôme... J'y crois pas...
La douleur n'a rien de fantôme en tout cas...
Mais pourquoi ne le percevons-nous que maintenant ?
Je viens de tisser un lien de tramepensée vers vous. Je vais maintenant le retirer de Skor...
Et de nouveau vous retrouvez soudainement votre moignon et la trace de mes crocs...
Curieux, je décidais d'étendre ma tramepensée aux objets proches, et en particulier à la tarte. Doucement, je dégageai mon bras, plus ou moins matériel de la poigne tremblante d'Aïla. Cette fois-ci, mes doigts purent se saisir de la pâtisserie et la mener jusqu'à mes dents.
Je n'y crois pas... D'un œil extérieur, cette part de tarte vient de voler jusqu'à votre bouche...
Un bras fantôme... Il faut croire que tu auras plus d'une ressource à déployer après-demain...
Il faut croire, en effet...
Tandis que je contemplais béatement ce présent qui venait de m'être fait, je me tournais vers mes coéquipiers de fortune et leur demandai :
Vous-ai je déjà parlé du Dark Mogwaï ?
Septième chapitre : des pains et du jeu.
Je ne suis pas particulièrement versé dans la narration des batailles auxquelles j'ai pu contribuer. Pour cause : je n'ai pour mémoire que quatre affrontements notables. À l'issue du premier, je fus jeté dans le vide par trois fées facétieuses sur Lorwyn. Le second pourrait être comparé à une course contre une cohorte de trolls de Kaldheim jusqu'à une escouade d'exploration naine qui eut l'amabilité de me sauver la vie. Au cours de mon passage sur Stryxhaven, je perdis un ami cher en faisant face à une escouade de poulets illusoires. Et pour finir, je fus mis à genoux en un instant par l'outil d'un poulet artificier de la même espèce...
Je vous prie donc, Cher Lecteur, de pardonner l'inefficience de mes descriptions et la maladresse des propos suivants.
...
Vous ne devriez pas prier juste avant un combat, Orstal...
N'est-ce pas là le meilleur moment pour prier ?
Après le combat, lorsque nos écailles seront couvertes du sang de nos ennemis.
J'aurais tendance à penser qu'il n'y a pas de bons moments pour ces conneries.
Pas de blasphème, Aïla. Je détesterai devoir te considérer comme une ennemie...
Pas de problème. On a qu'à arrêter d'en parler. Si vous avez de la place dans vos caboches pour loger vos dieux : demandez-leur un loyer si ça vous chante, mais arrêtez de parasiter la mienne avec votre prosélytisme à la noix !
Je ne fais pas de prosélytisme. Contrairement à Orstal...
Je ne sais même pas ce que prosélytisme veut dire !
Allons, allons les enfants : un peu de tenue ! Je tiens à ce que vous soyez présentables dans l'arène. Quelqu'un a expliqué les règles au nouveau ?
Je n'avais même pas senti le baron arriver. La tension était bien plus palpable que l'odeur de ses cigares.
Trois contre trois, espèces anthropomorphes uniquement. Pas d'équipement à part celui disposé dans l'arène. Le combat s'arrête lorsque tous les membres d'une même équipe sont morts.
Parfait.
Le démon se frotta la main puis frappa ses paumes par trois fois, chassant la fumée qui l'entourait directement dans mes pauvres narines. Une sorte de rituel favorisant la chance de ses gladiateurs, peut-être ?
En avant, mes minions ! Couvrez-moi de gloire et tâchez de revenir en vie !
Sur ses mots, nous avançâmes d'un pas décidé et eûmes chacun droit à un geste de notre possesseur : une tape sur l'épaule pour Skor, quelques cheveux ébouriffés pour votre serviteur et une tape sur les fesses d'Aïla. Geste auquel il ajouta quelques paroles à ses oreilles, ce qui la fit rougir jusqu'à leurs pointes.
Le long couloir que nous venions d'emprunter nous mena jusqu'à une solide grille à travers laquelle nous pouvions voir l'arène, le public ainsi que nos adversaires.
Skor sourit.
Parfait ! Pas de viashino en face et un cristal de mana rouge au centre. On est bon !
L'obscurité des gradins m'empêchait de distinguer les visages dans les gradins, mais le brouhaha ambiant m'indiquait que je participais à un événement pour le moins fédérateur et convivial. Pour le public, bien entendu.
Soudainement, le plafond devint transparent et un projecteur nous cibla. Un dispositif électronique grésilla juste avant que la voix d'une annonceuse ne se mette à crépiter :
Mesdames, messieurs ! Bienvenue à vous pour notre grand rendez-vous hebdomadaire ! Nous sommes fiers de vous présenter ce soir des cohortes de gladiateurs aussi exotiques qu'extraordinaires !
À votre droite, dans le pavillon violet : l'équipe rassemblée par notre bien aimé Welnac Wellbron, baron des terres arides de l'Est ! Les habitués reconnaîtront le féroce Skorn, écailles sanglantes : un vétéran au service du Baron depuis ses débuts. Invaincu en quinze combats et cinquante morts à son actif ! Ses coéquipiers ont intérêt à se montrer à la hauteur !
En parlant de hauteur, l'elfe des bois Aïla : la preste hache ! À l'origine simple herboriste, et fille des tribus nomades de l'Est : ne vous laissez pas tromper par son charme, elle nous a montrés lors des combats précédents qu'elle était particulièrement douée avec les armes de jet. Nous n'oublierons pas de sitôt la fameuse hache qui mit fin à la carrière de Trizzor le boucher ! Quatre combats et autant de morts à son actif.
Enfin, Orstal le nabot manchot ! Rassurez-vous, Chers Spectateurs : le Baron nous a confirmé que ce nouveau venu est adulte et aussi consentant que peut l'être un esclave. Monsieur Wellbron essaierait-il de donner un handicap à son équipe ou de créer la surprise ?! On les encourage bien fort !!!
Je ne m'offusquai pas de l'apellation employée par la présentatrice. Je supposais que le Baron avait volontairement cherché à déséquilibrer quelques paris en sa faveur.
À votre gauche, dans le pavillon orange : l'équipe forgée par l'estimée Carla Fergelt, Vicomtesse des terres humides du Sud ! À la tête de ces guerriers, vous pouvez distinguer les cornes blanchies de l'effrayant Nargon, le briseur d'espoir ! Ce minotaure est lui aussi un vétéran dont la force brute n'est plus à démontrer ! Vingt-huit combats pour quarante morts. Tous ses adversaires ont fini empalés ou broyés contre les parois de notre arène. Nous remercions au passage notre bienfaitrice Vicomtesse qui a accepté à plusieurs reprises de payer les réparations !
Sur l'épaule du colosse cornu : Keïkeï la gobeline folle. Son incapacité à percevoir le danger et son amour des lames en fait un redoutable assassin ! Trois combats à son actif et autant de morts. Chaque match lui a laissé une magnifique cicatrice et elle compte bien en gagner une de plus ce soir !
Pour finir, la dernière recrue de la Vicomtesse : Melkinor le tisseur d'épines ! Nous avons pu voir lors de son précédent et unique combat que cet elfe pouvait faire pousser des pointes sur les armes de bois qu'il ramasse. Cette tactique lui permettra-t-elle une fois encore de sortir vivant de ces échanges ? Qui sait ?! On les applaudit bien fort !
Il ne vous reste que quelques instants pour finaliser vos paris avant que la cloche ne retentisse... À vos places ! Prêts... C'est parti !
DING !
Maintenant Orstal !
Comme convenu, je liai mes camarades à ma tramepensée. Et nous nous ruâmes en lice comme une seule entité. L'exaltation de Skor nous emportait en direction du cristal rouge aussi sûrement que des phalènes vers quelques lueurs nocturnes. De leurs côtés, nos adversaires s'étaient déjà séparés. Le druide filait à droite, en direction d'une lance rudimentaire, la gobeline venait apparemment d'être lancée à gauche par le minotaure, droit sur un coutelas. Nargon fonçait sur nous, tête baissée.
Et nous démarrons par une course inattendue pour le cristal pour les violets ! L'équipe orange, quant à elle, applique une des stratégies classiques de notre jeu : le lancer sur objectif ! Les violets prennent leur adversaire au dépourvu et arrivent déjà au centre !
Skor empoigna le cristal et toute sa fureur se déversa en nous. La tempête d'éclair fit vaciller un instant nos sens telle une implacable et douloureuse euphorie. Nous tînmes bon et nous séparâmes enfin.
Skor s'empare déjà du cristal ! C'est inouï ?! Les viahsinos préfèrent toujours l'utiliser en dernier recours tant ils peuvent s'avérer dangereux aussi bien pour leurs coéquipiers que pour leurs adversaires ! Va-t-il se jeter sur le nabot ?! Non, il court en direction de Nargon qui le charge ! Il l'évite ?! OH ! Quel bond prodigieux ! MAGISTRAL ! Ses crocs sont plantés dans la carotide ! Nargon s'ébroue aussi fort qu'il peut, mais Skor s'accroche ! Aïla vient de trouver une hache mais, se trouve en difficulté face à la lance épineuse qui lui fait face. Les deux adversaires se jaugent. KeïkeÏ se jette sur Orstal qui est complètement désarmé ! Ça sent déjà la fin pour le nabot !
J'empruntais un peu de l'expérience de mes alliés et esquivai d'un pas souple la lame qui visait mon visage. La gobeline roula prestement et se retrouvait sur ses pattes tandis que je ramassais un gros caillou avec mon bras illusoire, le cachant dans mon dos. Keïkeï se jeta à nouveau sur moi, tenant son surin à deux mains pour l'enfoncer dans ma poitrine. Aussitôt, je balançai la roche aussi fort que je pus. Prise par surprise, mon assaillante la reçut en pleine face, lui faisant éclater ce qui lui restait de nez. Hébétée, elle s'effondra, et n'eut pas l'occasion de se relever. La hache d'Aïla vint se planter dans son crâne.
Ça alors ! Aïla vient de se retourner et lancer immédiatement sa hache sur la gobeline ! Elle est désarmée ! C'est l'occasion parfaite pour Melkinor pour la... Non ! Skor bondit depuis le corps ensanglanté de Nargon et s'interpose ! Lacérant la lance avec ses griffes ! Elle est coupée en deux ! Nargon ne parvient pas le rattraper ! C'est du trois contre deux désormais ! Nargon prend son élan et s'apprête à charger le duo avant que son dernier coéquipier ne soit vaincu !
J'attrapai la hampe de la hache d'Aïla et courus en direction du danger. L'elfe druide parvenait non sans mal à tenir à distance Skor, tandis qu'Aïla ramassait le bout de lance épineuse tombée à terre. Tout se déroula très vite, Skor bondit à nouveau et planta toutes ses griffes dans le corps du malheureux Melkinor qui hurla de douleur. Les deux tombèrent, emportés par l'élan du viashino. Les épines ne firent qu'égratigner ses écailles. Aïla lança son bout de lance, mais celui-ci rebondit sur les cornes du colosse bovin.
Melkinor est à terre ! Nargon est bien blessé, mais semble décidé à emporter ses exécuteurs dans sa tombe. Aïla esquive la charge, mais Skor vient tout juste de se relever. Il évite les cornes de justesse... Mais, oh ! Nargon parvient à attraper sa jambe. Il le soulève comme si c'était une brindille ! Les griffes de Skor transpercent son bras... Il ne lâche pas ! Il va l'écraser au sol !
Tchac !
Non ! C'est incroyable ! Orstal vient de sauver son coéquipier grâce à un lancer extraordinairement hasardeux ! La hache vient de s'encastrer dans le bras de Nargon qui ne peut que lâcher sa proie ! Skor se redresse et saute sur l'occasion comme sur le dos du minotaure. Nargon s'ébroue ! Nargon tressaute ! Nargon tombe ! Quel combat intense mes amis ! Quel carnage pour l'équipe de la Vicomtesse ! Quelle réussite ! Les paris donnaient l'équipe orange gagnante à trois contre un ! Bravo à ceux qui ont parié sur cette issue ! On les applaudit bien fort le temps que nos techniciens remettent un peu d'ordre dans l'arène. Merci à eux, merci au Baron Wellbron et à la Vicomtesse Fergelt ! Le prochain combat opposera...
La voix de l'annonceuse se fit lointaine. Une partie de moi sentait la fureur de Skor qui continuait de mutiler le corps inerte de sa dernière victime. Cette colère ne faisait que grandir. Pourvu qu'Aïla et moi soyons toujours capables de le calmer...Chapitre ? : Gagnant-gagnant
Que suis-je donc en train de devenir ? Voilà des mois que je n'ai pas scandé. Je ne reconnais pas dans mon obscur reflet celui que je suis pourtant. Quand ai-je donc gagné cette belle cicatrice à peine dissimulée par les boucles de mes cheveux gras ? Ce visage, a-t-il toujours été aussi pâle ? Aussi dur ? Une poignée de sable vint soudainement consteller par des remous mon image brisée. Aïla m'attrapa le bras et me força à me redresser.
Tu es très bien tel que tu es, Orstal.
Ce n'est pas vraiment ce que j'avais en tête.
Dissipé mon visage, ne restait là que le trouble d'une flache dans ce qui nous faisait office de vestiaire.
On m'a dit que la vraie beauté est intérieure et je ne te croyais pas capable de mentir. Regarde-moi, petit guerrier.
Les myriades d'entailles sur la peau d'Aïla ne parvenaient pas à masquer l'éclat de ses charmes elfiques. Pas plus que ses muscles saillants ne la rendaient moins féminine. Son sourire naissant à l'aube de mes joues empourprées finissait d'enfoncer un clou qui n'avait besoin de nul maillet.
Aucune balafre ne saurait entailler l'éclat dans mon cœur. C'est juste que... Je ne me reconnais plus...
Soit fier de tes cicatrices, Orstal. Elles racontent toutes une histoire qui t'aura permis de grandir. Mentalement, bien sûr. Je doute que tu puisses pousser plus haut que ça, même avec ta magie.
Mais bien sûr ! Regarde : celle-là, c'était contre un druide, celle-là contre un shaman minotaure... Oh, celle-là je crois que c'était un avemain... Toutes les petites sur mon torse me viennent d'un mage des sables. Et tout le reste... Je suppose que tu voulais juste me faire grandir, n'est-ce pas Skor ?
L'entraînement, c'est essentiel. Je ne voudrai pas que vous vous rouilliez avant un match important.
Mon bras manquant me démangeait. Skor n'éprouvait pas le moindre remord à ce sujet. Pas plus qu'il n'en ai jamais montré pour toute autre chose.
D'ailleurs Aïla, tu étais particulièrement sur l'offensive lors de notre dernier combat. Pense à protéger ton visage davantage. Tu risques d'y gagner une sacrée balafre ou d'y perdre la vie.
Si ça peut calmer les ardeurs du baron : je dirai que c'est du gagnant-gagnant.
Une larme dévalait sa joue tandis qu'elle partit se recroqueviller dans un coin du vestiaire. J'étendis ma tramepensée jusqu'à elle et manquai de vaciller sous le poids soudain de la haine.
Orstal, vire ton aura de là ! Tout de suite !
Je m'exécutais. Skor souffla et commença une série de flexions. Je décidai de m'asseoir près de mon amie en larmes.
Désolé. C'est un mauvais réflexe.
Tandis qu'elle tentait de dompter sa fureur, je peinais à reconnaître l'herborise loquace et rebelle que j'avais rencontré il y a quelques mois. Comme moi, elle ressemblait davantage à une figurine brisée, de celles qu'on garde en attendant de trouver mieux. L'esclavage n'avait pas été des plus cléments avec nous. Seul Skor semblait indifférent à sa situation actuelle.
Toutes tes cicatrices n'ont pas été gagnées au combat, n'est-ce pas ?
Je posai ma main sur la sienne. Elle ne la repoussa pas.
Ouais... Si la beauté est intérieure... Alors je dois être sacrément moche là-dedans... Skor est un abruti. Les cicatrices ne font pas grandir. Elles impriment juste en nous la souffrance qu'on nous inflige.
Possible. Alors dans ce cas, qu'est-ce que la tendresse ?
Je... Je ne sais plus.
C'est un onguent chaud et apaisant. Un de ceux que l'on obtient avec de la verveine, du romarin et...
Et du saule. J'y ajouterai peut-être même un peu de miel. Non : j'y ajouterai définitivement du miel.
Elle m'entraîna contre elle dans une étreinte amicale. Nous restâmes un instant à regarder notre équipier passer de flexions en pompes et de pompes en flexion.
Combien de matchs restent-ils à tirer à Skor avant qu'il n'obtienne sa liberté ?
Je ne suis pas sûr qu'il souhaite être libre.
Et toi ?
Si je survis ? Encore vingt combats. Dans tous les cas, tu ne verras pas la fin de ma servitude. Il te reste quoi ? Deux combats ?
Vingt combats aussi.
Quoi ? Ne me dis pas que tu as parié avec le Baron !
Je ne le dirai pas.
Bon sang ! Je te pensais moins stupide que Skor !
Pardon ?!
J'imagine facilement les enjeux : une victoire pour deux combats en moins à faire alors qu'une défaite entraînait un combat en plus ? Et tu es tombé dans l'offre comme une mouche sur un drosera ?!
À vrai dire, c'était plutôt quelque chose comme : "Si vous perdez, j'ajoute un match à votre contrat, mais si vous gagnez, j'en enlève un à votre amie aux longues oreilles." Vous ne savez pas arrêter quand vous perdez Orstal.
Trop concentrés sur notre discussion, nous n'avions pas entendu le bruit de ses boots annoncer l'arrivée de l'aedra. Il nous toisait de son large sourire orné d'un de ses habituels cigares.
Au contraire, monsieur le baron, je pense que j'ai exactement su quand arrêter.
Hin ! Si vous le dîtes... Bref. Changement de règles pour ce soir : c'est du quatre contre trois.
Et j'imagine que nous n'avons pas de nouveau coéquipier ?
Tout juste. Mais si ça peut vous rassurer, je vous enlève un match à chacun si vous me gagnez celui-là. Bande de veinards ! Allez, je sais que vous en êtes capables : rendez votre maître fier et rapportez-moi un beau pactole. Je détesterai voir vos têtes orner les piques des gradins. Sur ce, bonne chance.
Sur ces paroles, il fit demi-tour, nous tournant le dos sans crainte d'une quelconque hostilité de notre part. Nos contrats ne nous empêchèrent cependant pas de le haïr de toute la puissance de nos regards.
Réponse(s)
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Orstal - Sentinelle - Le 15/01/2024
Je sais ce que vous êtes en train de penser. Pétris d'indignation à l'idée que, non content d'avoir commencé par un chapitre II, j'éclipse tout un pan de mon histoire. La raison en est simple. Je trouvais que le titre en dirait forcément trop. J'ai longuement hésité entre les accroches suivantes :
- Comment devenir esclave pour payer ses dettes et éviter la potence.
- Pourquoi ne faut-il pas jouer au poker quand on ne sait pas mentir ?
- Mieux vaut savoir qu'il n'y a que quatre as dans un jeu et AVANT de jouer avec des adversaires qui en sortent trois chacun et à chaque tour...
Le meilleur titre reste cependant, d'après moi : Le naïf sangami et l'arnaque plus grosse que lui.
Bref, revenons au chapitre IV :
Merci pour les choppes, nabot !
Je m'inclinais docilement, satisfait de la politesse relative du client. C'était sans doute le nom d'oiseau le moins vexant par lequel on m'avait appelé ce mois-ci. Plus que 9 ans et onze mois comme celui-ci et j'aurais fini d'éponger mes créances. Les sobriquets étaient un fardeau bien léger à porter en comparaison des armes à feu maniées par les agités de la gâchette qui semblaient peupler ce plan... Pas une semaine ne passait sans qu'un accident malencontreux ne vienne éclaircir davantage les murs de bois du saloon. Un client est mort il y a trois jours. Comme moi, ils l'ont entraîné dans un jeu qu'il ne pouvait gagner. Contrairement à moi, il a refusé de porter le collier. Trois tirs au côté droit et j'ai pu apprendre à nettoyer les tâches de sang les plus coriaces.
La servitude m'allait mal, mais maintenant que ce foutu azra, mon maître, m'avait lié à lui par ce foutu pacte, je n'avais plus vraiment mon mot à dire. À vrai dire, vu que l'un de ses premiers ordres a été de me dire de me taire, je n'avais plus dit un mot depuis des lustres... un comble pour un skald !
Ma croisade personnelle sur Almeria se trouvait dans une impasse. Une impasse dans laquelle on avait placé une charrette de bouse.
Ma commande délivrée, je retournais auprès du vieux Bill, barman improvisé et ancien client. Lui aussi portait le collier.
T'empeste gamin ! Va donc plonger tes miches dans le baril à l'arrière. Le Baron d'vrait plus tarder à arriver et j'ai pas envie qu'il m'reproche l'odeur ambiante. Allez, exécution !
Encore une fois, je n'avais pas vraiment mon mot à dire. Bien que Bill n'ait pas l'Autorité sur moi, il était le seul en lequel je pouvais avoir à peu près confiance dans ce bouge. L'eau du baril était croupie, mais c'était de toute façon une denrée rare dans ses contrées. Bien décidé à survivre, je fis de mon mieux pour contenir mes larmes. Je crois que c'est à cet instant que j'ai réalisé que convertir des individus à travers les plans, ça ne s'improvisait pas.
Magne-toi gamin ! C'est le Baron!
Depuis le début de ma servitude, Bill était persuadé que j'étais un enfant. Je n'avais pas encore osé le contredire. Après un brin de toilette, je rejoignais la pièce principale.
Le Baron poussa les portes du saloon suivi par deux silhouettes encapuchonnées et vêtues de haillons longs. Il tenait à sa main deux chaînes qui arrivait au niveau du coup de ses suivants. Les clients s'étaient tous tus à son arrivée. Le Baron avait le sourire. Et quand un azra affiche un sourire aussi large que ses cornes ça pouvait être un très bon comme un très mauvais présage.
Bill, je monte dans le salon bleu, tu reste ici et assure le service. Petit, tu viens avec nous.
Contents que la menace ne s'attardait pas sur eux, les clients reprirent leurs activités. Bill s'inclina servilement et j'emboîtais le pas au Baron et à ses captifs. L'une des silhouettes avait une allure fine et féminine, l'autre était plus massive et une queue couverte d'écailles pourpres dépassait de ses vêtements.
Le Baron, Welnac Wellbron de son vrai nom, s'installa sur un fauteuil massif et croisa ses jambes sur un secrétaire, dominant ainsi se petite assemblée par le regard et par ce qu'il estimait être de la prestance. Ainsi installé, il décida de prendre le temps de s'allumer un cigare, faisant apparaître une gerbe de flammes au niveau de son pouce crochu. C'était là l'une des deux magies caractéristiques de cette espèce sur Alméria : pyromancie et contractomancie. Welnac Wellbron était bien plus efficient dans cette seconde catégorie.
Après avoir inspiré quelques bouffées de tabac et pollué l'air ambiant, le Baron se mit à feuilleter un carnet à la couverture sombre.
Voyons-voir... Orstal Mogaï, dix ans de servitudes depuis le douze... Occupation et capacités à déterminer... Et au niveau de l'Autorité : trois Contraintes. Ne pas parler, ne pas sortir du saloon, ne pas exercer la moindre forme d'agression physique... Je crois me souvenir que votre contrat a été fait dans la précipitation, votre dossier a quelques lacunes que nous devons combler.
Sur ces mots, l'azra se leva et apposa sa main sur mon collier.
Je lève la première contrainte et la remplace : vous avez l'autorisation de parler. Je vous suggère de faire preuve d'intelligence et de ne pas abuser de ce privilège... C'est bien clair ?
Oui...
Ma voix semblait presque fatiguée, ma gorge semblait sèche et ma langue peinait à trouver ses marques.
Esclave Orstal, je n'irai pas par quatre chemins. J'ai besoin de serviteurs de talents, et j'en ai besoin urgemment. Vous n'avez pas l'air de grand chose, mais votre espèce est inconnue à ce jour... Je suppose que vous n'êtes pas d'ici. Et que pour arriver jusqu'à moi, vous devez avoir quelques dons. Du moins je l'espère...
Sa main toujours apposée sur mon collier, il prononça les mots suivants :
Nouvelle contrainte : il vous est désormais interdit de me mentir. Qu'êtes-vous capable de réaliser ? Que pouvez-vous faire qui puisse m'intéresser ?
Je me raclais la gorge. Mentir n'était de toute façon pas mon point fort. Je me dis que j'avais des chances d'alléger ma peine si j'étais d'une quelconque utilité. À posteriori, j'aurai mieux fait de me taire....
Et bien, je connais des rites skaldes et les histories de nombreux guerriers et...
Barbant ! Capacité suivante.
J'ai des connaissances d'autres plans et...
Moi aussi et cela ne m'impressionne pas ! Au diable vos connaissances... Si un yéti était devant vous, prêt à vous tuer... Que feriez-vous ?
Je me lierai à lui par la tramepensée pour mieux le cerner et m'apprêterai à m'enfuir, ou à me battre si j'avais mon équipement...
Donc... Vous savez vous battre... Qu'est-ce que la tramepensée ?
Je peux me lier à d'autres créatures et faire en sorte que nous ressentions les émotions et intentions les uns des autres...
On dirait le début d'un roman à l'eau de rose.... Concrètement en quoi cela peut me servir ?
Je peux apaiser des clients violents, apprendre de nouvelles capacités plus rapidement en me connectant à un expert... Ah, je peux aussi augmenter grandement la coordination au sein d'un groupe.
Le Baron se tourna vers les deux esclaves au fond de la pièce.
Ooooh ! On touche enfin quelque chose d'intéressant ! Vous deux, enlevez vos capuches ! Je crois que nous venons de vous trouver un partenaire !
Edité 1 fois, dernière édition par Orstal Le 22/05/2024
120 points
Orstal - Sentinelle - Le 24/04/2024
Allez ! Plus fort, plus vite ! C'est mou tout ça ! T'as des spaghettis à la place des bras ou quoi ?!
Ainsi fut énoncé le début de ma sentence. Le Baron cherchait un troisième larron pour compléter sa collection de gladiateurs...
J'ai dit plus vite !
Les deux silhouettes encapuchonnées se nommaient respectivement Aïla et Skor. La première semblait être une elfe brune, délicate mais agile. Le deuxième...
Mais c'est pas possible ça !
Le deuxième était un puissant guerrier viashino, un maître des armes blanches et...
Bon ! On va pas y passer la nuit non plus ! File-moi ce balai !
Aïla arrêta un instant de me crier dessus tandis qu'elle arrachait la hampe de ma serpillère. Mon entraînement avait à peine duré vingt minutes avant qu'un coup bien placé torde mes viscères, ce qui eut pour conséquence de me faire restituer ma pitance du midi.
Et ça veut devenir gladiateur...
J'aurai pu me taire suite à cette remarque. J'aurai sans doute dû me taire, suite à cette remarque. Mais faute d'être un héros de la Secte, j'ai la répartie facile et l'honnêteté brutale.
Ça, ça n'a jamais demandé à devenir gladiateur. Ça, ça a la décence de vouloir rester en vie plutôt que de jouer le suicidaire pour un public de dégénérés et...
La douleur et le bruit sec de la serpillère sur ma tempe gauche m'apportèrent soudainement un brin de raison.
Parce que tu crois que t'es le seul à avoir une dette plus grosse que toi ? Il y a que les écailleux pour entrer de leur plein gré dans l'arène !
Le combat est un art noble.
Je suis sûre que tes victimes sont honorées d'être déchiquetées par tes nobles crocs, Skor.
Le viashino pencha la tête sur le côté et questionna Aïla.
Ça n'avait pas l'air de te déranger plus que ça la dernière fois ; tu avais même l'air plutôt satisfaite quand j'ai croqué l'aile de cet avemain...
Il allait me lacérer la gorge... Mieux valait que ce soit lui que moi.
Le Baron descendit à son tour dans la cave du saloon, les cornes en partie dissimulées par la fumée de son cigare.
Alors, que donne le nouveau ?
Il est ridiculement peu adapté à la tâche que vous lui destinez, maître.
Franchement, je ne vois pas pourquoi vous voulez le recruter. Il n'a pas la moitié de la trempe d'une brebis galeuse. En fait, je pense qu'une brebis tiendrait plus longtemps que lui.
Un sourire semblait s'esquisser derrière les volutes. Wellnac Wellbron sortit de sa manche un cristal pourpre taillé en pointe. Aussitôt, Skor s'approcha, l'eau à la bouche :
Maître : voilà une heureuse surprise pour votre humble serviteur... Est-ce pour mon prochain duel ?
Non. C'est pour tout de suite. Va t'enchaîner au mur du fond.
Avec plaisir, maître.
Le viashino s'executa en sautillant. Aïla s'approcha discrètement de la sortie.
Si vous voulez bien m'autoriser à m'excuser...
Je n'autorise pas, tu restes ici et tu observes.
Mais...
Et surtout, tu te tais.
L'elfe pinça sa lèvre inférieure avec ses dents nacrées, son inquiétude transpirant jusqu'à moi sans l'aide de la moindre tramepensée.
Je suis prêt, maître !
Le corps du viashino tremblait d'anticipation tandis que l'azra s'approchait de lui. Leurs regards se croisèrent et, soudainement, le Baron ficha la pierre dans l'épaule de son esclave. Aussitôt, ce dernier fut agité de soubresauts. Ses écailles passèrent du gris sale à l'écarlate et ses yeux se gorgèrent de sang. Skor poussa un cri effroyable et bondit. Ses crocs se refermèrent à quelques centimètres du cou de son propriétaire tandis que son corps se figea dans les airs, ancré au mur par des attaches rouillées.
Esclave Orstal, nous allons maintenant tester vos prétendus dons. Ces chaînes devraient lui résister quelques minutes.
Mais qu'est-ce que vous faîtes ?!
Je vous offre un client violent. L'essence cristallisée de mana rouge décuple les facultés physiques des reptiles mais leur fait perdre tout discernement. Utilisez vos pouvoir pour ramener à la raison ma possession, ou faîtes-vous croquer par elle.
Je ravalais ma salive avec difficulté. La tramepensée pouvait effectivement fonctionner mais... il y avait un risque non négligeable pour que ce soit les émotions de Skor qui affectent les miennes. Prudemment, je tissai un lien vers le reptile dont les écailles prenaient une teinte de plus en plus vive. Lorsque la tramepensée effleura son essence, je sentis mon être bouillonner d'une rage telle que je n'en avais jamais connu. Un tourbillon de haine ballotait mon esprit et la soif de sang m'envahit jusqu'à ce que la hampe du balai atterrisse sur ma frêle caboche. Mes yeux, pourtant ouverts, recouvrirent leur capacité. Aïla venait de me ramener de la plus directe des manières. Le baron avait disparu.
Reprends-toi le nabot ! Si t'arrives pas à le calmer, on y passe tous les deux !
Sachant maintenant à quoi m'attendre, je retissai le lien, emportant cette fois-ci avec moi le sang-froid de l'elfe gladiateur. Le tourbillon d'émotions négatives était toujours aussi fort, mais je me sentais flotter à l'intérieur sur un radeau de calme : une frêle esquisse de sérénité dans un océan de sang !
À cet instant, une chaîne céda et le monstre écailleux se jeta sur moi. Je sentis une vive douleur dans mon bras droit. Aïla poussa un cri et je sentis en elle le désir de me protéger, le désir de vivre. Emporté par cet élan positif, mon embarcation devint navire, mon navire devint l'océan et Skor reprit le contrôle.
Orstal, ton bras...
Sans que je comprenne vraiment pourquoi, la voix d'Aïla tremblait. Des applaudissements nous parvinrent depuis le saloon et le Baron redescendit les marches.
Bra-vo ! C'est la première fois que quelqu'un parvient à endiguer la frénésie d'un viashino. Il va falloir tester ça en conditions réelles !
Maître ! Il faut le soigner ou l'hémorragie lui sera fatale !
Bien sûr que nous allons le soigner, je ne voudrais pas perdre l'oie aux œufs d'or.
À cet instant, il me semble que je me suis évanoui.
Edité 3 fois, dernière édition par Orstal Le 14/07/2024
120 points
Orstal - Sentinelle - Le 16/07/2024
Plus que la vision saugrenue d'un TMC assaisonnant un lézard dans une poêle, ce fut l'odeur alléchante d'une tarte aux pommes qui me tira du domaine onirique. Cette promesse gastronomique et réconfortante m'offrit les quelques forces nécessaires à l'entrebâillement de paupières closes depuis l'avant-veille. Deux silhouettes se querellaient au fond d'une pièce qui me semblait vaguement familière.
Il me semble t'avoir déjà présenté mes excuses...
Tu peux aller les fourrer où je pense.
Tu sais bien que je n'étais pas dans mon état normal. Je ne t'aurais pas blessée de ma propre volonté...
Tu avais pourtant l'air ravi de succomber à l'Éclat. Je revois encore tes pupilles se dilater à l'idée de t'intoxiquer au mana rouge.
Qu'y puis-je si ma race n'atteint l'euphorie que par les joutes ou le cristal ? De plus, le maître m'avait donné un ordre...
N'insiste-pas ! Cette tarte n'est pas pour toi !
Un sourire clandestin s'infiltra sur mes lèvres. J'allai leur demander une part quand je perçus l'odeur âcre d'un cigare et décidai de continuer à faire le mort.
Bonne nouvelle les enfants ! Le sangami devrait tenir le coup. Bon, il est clair qu'il n'a pas la carrure de l'emploi, mais s'il peut éviter à Skor de tourner berserker : les prochains matchs seront du tout cuit.
Le baron marqua une pause.
Délichieuse, cette tarte. Mes compliments à la bonne. Bref, votre prochain match est prévu pour dans deux jours. Le nouveau est inscrit.
Et s'il ne se réveille pas ?
Aucune différence. Bref, je retourne à mes affaires. Entraînez-vous ou reposez-vous, mais gagnez-moi ce foutu combat.
Sur ces mots, ses boots neuves s'en allèrent crisser dans le couloir, ne laissant derrière elles qu'une odeur de tabac froid. J'ouvris alors les yeux. Aïla et Skor se tenaient dans l'entrebâillement de la porte, vérifiant que notre maître ne revenait pas en arrière. J'attrapai une part de tarte, gentiment laissée à ma portée.
Il est toujours comme cha ?
L'innocente remarque fit sursauter ceux qui étaient désormais mes coéquipiers. Je n'eus nul besoin de tramepensée pour lire le soulagement sur leurs visages, bien que le sourire de Skor me sembla un brin forcé...
Seulement dans ses bons jours. Qui t'a permis de toucher à ma tarte ?
Mille excuses, j'ai cru qu'elle était destinée à l'alité. Et puis, vous n'allez pas frapper un sangami à terre pour une part de tarte... N'est-ce pas ?
C'est plutôt à moi de vous présenter mes excuses, Orstal. Bien que je ne fus pas maître de mes actes, je vous ai tout de même atrocement mutilé...
J'ignore ce que l'on m'a administré, mais je ne ressens aucune douleur. C'était si grave que ça ?
Orstal... Les chirurgiens ont dû t'amputer d'un bras...
À ces mots, j'avalai d'une traite ma pâtisserie et plaçai mes mains devant mes prunelles. Elles étaient toujours deux. Mes doigts bougeaient normalement. Ma veste avait cependant été réduite en charpie au niveau de mon bras gauche sur lequel semblait s'être enroulée une des plumes de Zélaphas, mon illusoire ami à plumes. Les deux autres plumes avaient gardé leurs forme annelée à mes doigts.
Spoiler: Montrer
La blague était cruelle et j'avoue avoir marché ! En fait, je marche toujours à ce genre de blagues...
Pardon Orstal, mais... De quelle blague parlez-vous ?
Les onguents étaient plus forts que je le croyais, il délire ou bien, il dénie...
Plutôt que de rentrer dans leur jeu, je décidai d'essayer de me lever en prenant appui sur ma main gauche. Main gauche qui passa au travers du matelas, suivie par mon bras et ce, jusqu'à ce que mon tronc percute l'extrémité du sommier et que je m'étale de tout mon long sur le sol de ma chambrée.
Doucement Orstal, vous êtes encore convalescent...
C'était quoi ça ?!
Orstal... Tu n'as plus de bras sur lequel t'appuyer de ce côté-là. Il va falloir que tu t'habitues à...
Mais si ! J'ai un bras, juste-là ! Regardez ! J'ai bien deux bras !
Je crains que vous ne déliriez... Par les Primécailles, vous ai-je aussi blessé à la tête ?
Fatigué par leurs doutes, je tissai un lien de tramepensée vers eux. Je perçus de la peine dans le cœur d'Aïla tandis que celui de Skor, curieusement, ne contenait pas une once de remords... Leurs yeux s'écarquillèrent soudainement tandis que la surprise fit vibrer les liens que je venais de créer.
Ça alors...
Merde ?! Orstal, ton bras est encore là !
Mais c'est impossible, j'ai encore son goût dans la bouche...
Incrédule, Aïla se saisit du bras sans que celui-ci ne la traverse. Je pouvais sentir la chaleur de sa peau sur la mienne et la douleur lorsqu'elle décida subitement d'enfoncer ses ongles dans ma chair.
Aïe ! Non, mais ça va pas ?!
Un bras fantôme... J'y crois pas...
La douleur n'a rien de fantôme en tout cas...
Mais pourquoi ne le percevons-nous que maintenant ?
Je viens de tisser un lien de tramepensée vers vous. Je vais maintenant le retirer de Skor...
Et de nouveau vous retrouvez soudainement votre moignon et la trace de mes crocs...
Curieux, je décidais d'étendre ma tramepensée aux objets proches, et en particulier à la tarte. Doucement, je dégageai mon bras, plus ou moins matériel de la poigne tremblante d'Aïla. Cette fois-ci, mes doigts purent se saisir de la pâtisserie et la mener jusqu'à mes dents.
Je n'y crois pas... D'un œil extérieur, cette part de tarte vient de voler jusqu'à votre bouche...
Un bras fantôme... Il faut croire que tu auras plus d'une ressource à déployer après-demain...
Il faut croire, en effet...
Tandis que je contemplais béatement ce présent qui venait de m'être fait, je me tournais vers mes coéquipiers de fortune et leur demandai :
Vous-ai je déjà parlé du Dark Mogwaï ?
Edité 3 fois, dernière édition par Orstal Le 16/07/2024
120 points
Orstal - Sentinelle - Le 21/08/2024
Je ne suis pas particulièrement versé dans la narration des batailles auxquelles j'ai pu contribuer. Pour cause : je n'ai pour mémoire que quatre affrontements notables. À l'issue du premier, je fus jeté dans le vide par trois fées facétieuses sur Lorwyn. Le second pourrait être comparé à une course contre une cohorte de trolls de Kaldheim jusqu'à une escouade d'exploration naine qui eut l'amabilité de me sauver la vie. Au cours de mon passage sur Stryxhaven, je perdis un ami cher en faisant face à une escouade de poulets illusoires. Et pour finir, je fus mis à genoux en un instant par l'outil d'un poulet artificier de la même espèce...
Je vous prie donc, Cher Lecteur, de pardonner l'inefficience de mes descriptions et la maladresse des propos suivants.
Vous ne devriez pas prier juste avant un combat, Orstal...
N'est-ce pas là le meilleur moment pour prier ?
Après le combat, lorsque nos écailles seront couvertes du sang de nos ennemis.
J'aurais tendance à penser qu'il n'y a pas de bons moments pour ces conneries.
Pas de blasphème, Aïla. Je détesterai devoir te considérer comme une ennemie...
Pas de problème. On a qu'à arrêter d'en parler. Si vous avez de la place dans vos caboches pour loger vos dieux : demandez-leur un loyer si ça vous chante, mais arrêtez de parasiter la mienne avec votre prosélytisme à la noix !
Je ne fais pas de prosélytisme. Contrairement à Orstal...
Je ne sais même pas ce que prosélytisme veut dire !
Allons, allons les enfants : un peu de tenue ! Je tiens à ce que vous soyez présentables dans l'arène. Quelqu'un a expliqué les règles au nouveau ?
Je n'avais même pas senti le baron arriver. La tension était bien plus palpable que l'odeur de ses cigares.
Trois contre trois, espèces anthropomorphes uniquement. Pas d'équipement à part celui disposé dans l'arène. Le combat s'arrête lorsque tous les membres d'une même équipe sont morts.
Parfait.
Le démon se frotta la main puis frappa ses paumes par trois fois, chassant la fumée qui l'entourait directement dans mes pauvres narines. Une sorte de rituel favorisant la chance de ses gladiateurs, peut-être ?
En avant, mes minions ! Couvrez-moi de gloire et tâchez de revenir en vie !
Sur ses mots, nous avançâmes d'un pas décidé et eûmes chacun droit à un geste de notre possesseur : une tape sur l'épaule pour Skor, quelques cheveux ébouriffés pour votre serviteur et une tape sur les fesses d'Aïla. Geste auquel il ajouta quelques paroles à ses oreilles, ce qui la fit rougir jusqu'à leurs pointes.
Le long couloir que nous venions d'emprunter nous mena jusqu'à une solide grille à travers laquelle nous pouvions voir l'arène, le public ainsi que nos adversaires.
Skor sourit.
Parfait ! Pas de viashino en face et un cristal de mana rouge au centre. On est bon !
L'obscurité des gradins m'empêchait de distinguer les visages dans les gradins, mais le brouhaha ambiant m'indiquait que je participais à un événement pour le moins fédérateur et convivial. Pour le public, bien entendu.
Soudainement, le plafond devint transparent et un projecteur nous cibla. Un dispositif électronique grésilla juste avant que la voix d'une annonceuse ne se mette à crépiter :
Mesdames, messieurs ! Bienvenue à vous pour notre grand rendez-vous hebdomadaire ! Nous sommes fiers de vous présenter ce soir des cohortes de gladiateurs aussi exotiques qu'extraordinaires !
À votre droite, dans le pavillon violet : l'équipe rassemblée par notre bien aimé Welnac Wellbron, baron des terres arides de l'Est ! Les habitués reconnaîtront le féroce Skorn, écailles sanglantes : un vétéran au service du Baron depuis ses débuts. Invaincu en quinze combats et cinquante morts à son actif ! Ses coéquipiers ont intérêt à se montrer à la hauteur !
En parlant de hauteur, l'elfe des bois Aïla : la preste hache ! À l'origine simple herboriste, et fille des tribus nomades de l'Est : ne vous laissez pas tromper par son charme, elle nous a montrés lors des combats précédents qu'elle était particulièrement douée avec les armes de jet. Nous n'oublierons pas de sitôt la fameuse hache qui mit fin à la carrière de Trizzor le boucher ! Quatre combats et autant de morts à son actif.
Enfin, Orstal le nabot manchot ! Rassurez-vous, Chers Spectateurs : le Baron nous a confirmé que ce nouveau venu est adulte et aussi consentant que peut l'être un esclave. Monsieur Wellbron essaierait-il de donner un handicap à son équipe ou de créer la surprise ?! On les encourage bien fort !!!
Je ne m'offusquai pas de l'apellation employée par la présentatrice. Je supposais que le Baron avait volontairement cherché à déséquilibrer quelques paris en sa faveur.
À votre gauche, dans le pavillon orange : l'équipe forgée par l'estimée Carla Fergelt, Vicomtesse des terres humides du Sud ! À la tête de ces guerriers, vous pouvez distinguer les cornes blanchies de l'effrayant Nargon, le briseur d'espoir ! Ce minotaure est lui aussi un vétéran dont la force brute n'est plus à démontrer ! Vingt-huit combats pour quarante morts. Tous ses adversaires ont fini empalés ou broyés contre les parois de notre arène. Nous remercions au passage notre bienfaitrice Vicomtesse qui a accepté à plusieurs reprises de payer les réparations !
Sur l'épaule du colosse cornu : Keïkeï la gobeline folle. Son incapacité à percevoir le danger et son amour des lames en fait un redoutable assassin ! Trois combats à son actif et autant de morts. Chaque match lui a laissé une magnifique cicatrice et elle compte bien en gagner une de plus ce soir !
Pour finir, la dernière recrue de la Vicomtesse : Melkinor le tisseur d'épines ! Nous avons pu voir lors de son précédent et unique combat que cet elfe pouvait faire pousser des pointes sur les armes de bois qu'il ramasse. Cette tactique lui permettra-t-elle une fois encore de sortir vivant de ces échanges ? Qui sait ?! On les applaudit bien fort !
Il ne vous reste que quelques instants pour finaliser vos paris avant que la cloche ne retentisse... À vos places ! Prêts... C'est parti !
Maintenant Orstal !
Comme convenu, je liai mes camarades à ma tramepensée. Et nous nous ruâmes en lice comme une seule entité. L'exaltation de Skor nous emportait en direction du cristal rouge aussi sûrement que des phalènes vers quelques lueurs nocturnes. De leurs côtés, nos adversaires s'étaient déjà séparés. Le druide filait à droite, en direction d'une lance rudimentaire, la gobeline venait apparemment d'être lancée à gauche par le minotaure, droit sur un coutelas. Nargon fonçait sur nous, tête baissée.
Et nous démarrons par une course inattendue pour le cristal pour les violets ! L'équipe orange, quant à elle, applique une des stratégies classiques de notre jeu : le lancer sur objectif ! Les violets prennent leur adversaire au dépourvu et arrivent déjà au centre !
Skor empoigna le cristal et toute sa fureur se déversa en nous. La tempête d'éclair fit vaciller un instant nos sens telle une implacable et douloureuse euphorie. Nous tînmes bon et nous séparâmes enfin.
Skor s'empare déjà du cristal ! C'est inouï ?! Les viahsinos préfèrent toujours l'utiliser en dernier recours tant ils peuvent s'avérer dangereux aussi bien pour leurs coéquipiers que pour leurs adversaires ! Va-t-il se jeter sur le nabot ?! Non, il court en direction de Nargon qui le charge ! Il l'évite ?! OH ! Quel bond prodigieux ! MAGISTRAL ! Ses crocs sont plantés dans la carotide ! Nargon s'ébroue aussi fort qu'il peut, mais Skor s'accroche ! Aïla vient de trouver une hache mais, se trouve en difficulté face à la lance épineuse qui lui fait face. Les deux adversaires se jaugent. KeïkeÏ se jette sur Orstal qui est complètement désarmé ! Ça sent déjà la fin pour le nabot !
J'empruntais un peu de l'expérience de mes alliés et esquivai d'un pas souple la lame qui visait mon visage. La gobeline roula prestement et se retrouvait sur ses pattes tandis que je ramassais un gros caillou avec mon bras illusoire, le cachant dans mon dos. Keïkeï se jeta à nouveau sur moi, tenant son surin à deux mains pour l'enfoncer dans ma poitrine. Aussitôt, je balançai la roche aussi fort que je pus. Prise par surprise, mon assaillante la reçut en pleine face, lui faisant éclater ce qui lui restait de nez. Hébétée, elle s'effondra, et n'eut pas l'occasion de se relever. La hache d'Aïla vint se planter dans son crâne.
Ça alors ! Aïla vient de se retourner et lancer immédiatement sa hache sur la gobeline ! Elle est désarmée ! C'est l'occasion parfaite pour Melkinor pour la... Non ! Skor bondit depuis le corps ensanglanté de Nargon et s'interpose ! Lacérant la lance avec ses griffes ! Elle est coupée en deux ! Nargon ne parvient pas le rattraper ! C'est du trois contre deux désormais ! Nargon prend son élan et s'apprête à charger le duo avant que son dernier coéquipier ne soit vaincu !
J'attrapai la hampe de la hache d'Aïla et courus en direction du danger. L'elfe druide parvenait non sans mal à tenir à distance Skor, tandis qu'Aïla ramassait le bout de lance épineuse tombée à terre. Tout se déroula très vite, Skor bondit à nouveau et planta toutes ses griffes dans le corps du malheureux Melkinor qui hurla de douleur. Les deux tombèrent, emportés par l'élan du viashino. Les épines ne firent qu'égratigner ses écailles. Aïla lança son bout de lance, mais celui-ci rebondit sur les cornes du colosse bovin.
Melkinor est à terre ! Nargon est bien blessé, mais semble décidé à emporter ses exécuteurs dans sa tombe. Aïla esquive la charge, mais Skor vient tout juste de se relever. Il évite les cornes de justesse... Mais, oh ! Nargon parvient à attraper sa jambe. Il le soulève comme si c'était une brindille ! Les griffes de Skor transpercent son bras... Il ne lâche pas ! Il va l'écraser au sol !
Non ! C'est incroyable ! Orstal vient de sauver son coéquipier grâce à un lancer extraordinairement hasardeux ! La hache vient de s'encastrer dans le bras de Nargon qui ne peut que lâcher sa proie ! Skor se redresse et saute sur l'occasion comme sur le dos du minotaure. Nargon s'ébroue ! Nargon tressaute ! Nargon tombe ! Quel combat intense mes amis ! Quel carnage pour l'équipe de la Vicomtesse ! Quelle réussite ! Les paris donnaient l'équipe orange gagnante à trois contre un ! Bravo à ceux qui ont parié sur cette issue ! On les applaudit bien fort le temps que nos techniciens remettent un peu d'ordre dans l'arène. Merci à eux, merci au Baron Wellbron et à la Vicomtesse Fergelt ! Le prochain combat opposera...
La voix de l'annonceuse se fit lointaine. Une partie de moi sentait la fureur de Skor qui continuait de mutiler le corps inerte de sa dernière victime. Cette colère ne faisait que grandir. Pourvu qu'Aïla et moi soyons toujours capables de le calmer...
Edité 4 fois, dernière édition par Orstal Le 21/08/2024
120 points
Orstal - Sentinelle - Le 28/09/2024
Que suis-je donc en train de devenir ? Voilà des mois que je n'ai pas scandé. Je ne reconnais pas dans mon obscur reflet celui que je suis pourtant. Quand ai-je donc gagné cette belle cicatrice à peine dissimulée par les boucles de mes cheveux gras ? Ce visage, a-t-il toujours été aussi pâle ? Aussi dur ? Une poignée de sable vint soudainement consteller par des remous mon image brisée. Aïla m'attrapa le bras et me força à me redresser.
Tu es très bien tel que tu es, Orstal.
Ce n'est pas vraiment ce que j'avais en tête.
Dissipé mon visage, ne restait là que le trouble d'une flache dans ce qui nous faisait office de vestiaire.
On m'a dit que la vraie beauté est intérieure et je ne te croyais pas capable de mentir. Regarde-moi, petit guerrier.
Les myriades d'entailles sur la peau d'Aïla ne parvenaient pas à masquer l'éclat de ses charmes elfiques. Pas plus que ses muscles saillants ne la rendaient moins féminine. Son sourire naissant à l'aube de mes joues empourprées finissait d'enfoncer un clou qui n'avait besoin de nul maillet.
Aucune balafre ne saurait entailler l'éclat dans mon cœur. C'est juste que... Je ne me reconnais plus...
Soit fier de tes cicatrices, Orstal. Elles racontent toutes une histoire qui t'aura permis de grandir. Mentalement, bien sûr. Je doute que tu puisses pousser plus haut que ça, même avec ta magie.
Mais bien sûr ! Regarde : celle-là, c'était contre un druide, celle-là contre un shaman minotaure... Oh, celle-là je crois que c'était un avemain... Toutes les petites sur mon torse me viennent d'un mage des sables. Et tout le reste... Je suppose que tu voulais juste me faire grandir, n'est-ce pas Skor ?
L'entraînement, c'est essentiel. Je ne voudrai pas que vous vous rouilliez avant un match important.
Mon bras manquant me démangeait. Skor n'éprouvait pas le moindre remord à ce sujet. Pas plus qu'il n'en ai jamais montré pour toute autre chose.
D'ailleurs Aïla, tu étais particulièrement sur l'offensive lors de notre dernier combat. Pense à protéger ton visage davantage. Tu risques d'y gagner une sacrée balafre ou d'y perdre la vie.
Si ça peut calmer les ardeurs du baron : je dirai que c'est du gagnant-gagnant.
Une larme dévalait sa joue tandis qu'elle partit se recroqueviller dans un coin du vestiaire. J'étendis ma tramepensée jusqu'à elle et manquai de vaciller sous le poids soudain de la haine.
Orstal, vire ton aura de là ! Tout de suite !
Je m'exécutais. Skor souffla et commença une série de flexions. Je décidai de m'asseoir près de mon amie en larmes.
Désolé. C'est un mauvais réflexe.
Tandis qu'elle tentait de dompter sa fureur, je peinais à reconnaître l'herborise loquace et rebelle que j'avais rencontré il y a quelques mois. Comme moi, elle ressemblait davantage à une figurine brisée, de celles qu'on garde en attendant de trouver mieux. L'esclavage n'avait pas été des plus cléments avec nous. Seul Skor semblait indifférent à sa situation actuelle.
Toutes tes cicatrices n'ont pas été gagnées au combat, n'est-ce pas ?
Je posai ma main sur la sienne. Elle ne la repoussa pas.
Ouais... Si la beauté est intérieure... Alors je dois être sacrément moche là-dedans... Skor est un abruti. Les cicatrices ne font pas grandir. Elles impriment juste en nous la souffrance qu'on nous inflige.
Possible. Alors dans ce cas, qu'est-ce que la tendresse ?
Je... Je ne sais plus.
C'est un onguent chaud et apaisant. Un de ceux que l'on obtient avec de la verveine, du romarin et...
Et du saule. J'y ajouterai peut-être même un peu de miel. Non : j'y ajouterai définitivement du miel.
Elle m'entraîna contre elle dans une étreinte amicale. Nous restâmes un instant à regarder notre équipier passer de flexions en pompes et de pompes en flexion.
Combien de matchs restent-ils à tirer à Skor avant qu'il n'obtienne sa liberté ?
Je ne suis pas sûr qu'il souhaite être libre.
Et toi ?
Si je survis ? Encore vingt combats. Dans tous les cas, tu ne verras pas la fin de ma servitude. Il te reste quoi ? Deux combats ?
Vingt combats aussi.
Quoi ? Ne me dis pas que tu as parié avec le Baron !
Je ne le dirai pas.
Bon sang ! Je te pensais moins stupide que Skor !
Pardon ?!
J'imagine facilement les enjeux : une victoire pour deux combats en moins à faire alors qu'une défaite entraînait un combat en plus ? Et tu es tombé dans l'offre comme une mouche sur un drosera ?!
À vrai dire, c'était plutôt quelque chose comme : "Si vous perdez, j'ajoute un match à votre contrat, mais si vous gagnez, j'en enlève un à votre amie aux longues oreilles." Vous ne savez pas arrêter quand vous perdez Orstal.
Trop concentrés sur notre discussion, nous n'avions pas entendu le bruit de ses boots annoncer l'arrivée de l'aedra. Il nous toisait de son large sourire orné d'un de ses habituels cigares.
Au contraire, monsieur le baron, je pense que j'ai exactement su quand arrêter.
Hin ! Si vous le dîtes... Bref. Changement de règles pour ce soir : c'est du quatre contre trois.
Et j'imagine que nous n'avons pas de nouveau coéquipier ?
Tout juste. Mais si ça peut vous rassurer, je vous enlève un match à chacun si vous me gagnez celui-là. Bande de veinards ! Allez, je sais que vous en êtes capables : rendez votre maître fier et rapportez-moi un beau pactole. Je détesterai voir vos têtes orner les piques des gradins. Sur ce, bonne chance.
Sur ces paroles, il fit demi-tour, nous tournant le dos sans crainte d'une quelconque hostilité de notre part. Nos contrats ne nous empêchèrent cependant pas de le haïr de toute la puissance de nos regards.
Edité 5 fois, dernière édition par Orstal Le 28/09/2024
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Bien joué !
Séphara, lame du ciel, au cœur de la beauté !
Proposé par Newall SombreLame le 18/08/2019