Innistrad : Noce Ecarlate - La frontière du monde - Magic the Gathering

Innistrad : Noce Ecarlate - La frontière du monde

Innistrad : Noce Ecarlate - La frontière du monde

Innistrad n’est pas que le plan de l’horreur victorienne : des meurtres, des fantômes, des enquêtes, voilà aussi de quoi faire un fameux roman noir.

  La storyline de Magic / Innistrad : noce écarlate

Innistrad n’est pas que le plan de l’horreur victorienne : des meurtres, des fantômes, des enquêtes, voilà aussi de quoi faire un fameux roman noir.

  La storyline de Magic / Innistrad : noce écarlate



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le , par Drark Onogard
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Innistrad n'est pas que le plan de l'horreur victorienne : des meurtres, des fantômes, des enquêtes, voilà aussi de quoi faire un fameux roman noir. Vous trouverez l'article original ici.

Un passage dans l'histoire est incohérent, et je ne suis pas seul à l'avoir relevé. Pour des raisons d'intelligibilité, j'ajouterai un court passage de mon cru pour que cela ne choque pas ; ce passage sera entre crochets, pour ne pas trop mêler ma prose à celle de l'auteur.

La frontière du monde



La salle de réception de Sire Nellick est froide.

Le feu du petit salon flambait depuis des heures, mais les genoux de Jacob étaient toujours douloureux et gelés. Les drapés de brocart, les tables aux pieds de volutes et les nombreux paysages encadrés donnent une impression de confort et d'aisance, mais tout l'argent du monde ne peut lutter contre la nuit qui s'abat dehors, qui gratte aux fenêtres. Si la bonne société d'Innistrad avait pu se payer de quoi sortir des ténèbres, elle l'aurait déjà fait.

« Je vous remercie de votre ponctualité, M. Hauken. » Sire Nellick n'a pas l'air gêné par le froid. Le front haut et le nez patricien, c'est un bel homme en un sens très certain. Il flâne dans une large chaise, noble, langoureux et souriant. Au regard de l'atmosphère actuelle dans la ville, il est franchement fringant.

Jacob n'aime pas cela. Il a l'impression que Nellick raconte une blague dans laquelle il n'a aucune part.

« Pas besoin de me remercier, dit-il. J'étais dans le voisinage. »







Mensonge, mais il ajoutera la diligence à la facture. Il avait dû offrir au cocher un pot-de-vin conséquent pour ne serait-ce qu'envisager le trajet. Les villages le long de la rivière d'Alrun étaient déjà inhospitaliers avant les Calamités, mais à présent... enfin, Jacob aurait seulement souhaité que, quand le monde déciderait de se plonger dans une nuit permanente, il soit appelé à un endroit qui ne puait pas le poisson et une infrastructure pourrissante.

Mais d'après ce qu'il a trouvé depuis son arrivée à Selhoff, l'étouffement, ce lourd manteau de peur serait le même quel que soit l'endroit où il irait.

« La détective Wicker d'ici m'assure que vous êtes le meilleur du métier, » continue Nellick.

La détective Wicker en question accorde à Jacob un léger acquiescement. Il est surpris ne serait-ce qu'elle se souvienne de lui. Ils avaient travaillé ensemble brièvement il y a trois ans de cela, mais c'était avant les Calamités, dans le vieil Innistrad. Il n'avait même jamais appris son prénom. Il se souvient d'elle comme de quelqu'un de peu amical, d'inhabituellement grave pour une personne si jeune, et prompt aux erreurs de débutant. Il se doutait qu'elle n'avait pas non plus une très haute opinion de lui, mais clairement il avait tort si elle l'avait appelé pour le consulter. Il est même impressionné qu'elle pense aussi clairement. De nos jours tout ce que chacun veut faire, c'est couper son bois de chauffage, obtenir un salaire d'une quelconque manière que ce soit, et barricader leur porte derrière eux.

« Nous aurions quelques questions à vous poser, Sire Nellick, dit Jacob.
- Bien sûr, répond l'intéressé en croisant les mains. Que souhaiteriez-vous savoir ?
- Commençons par la dangereuse horde de geists qui pille à tout bout de champ la Néphalie. » La détective Wicker s'assied, le stylo posé sur son journal, le dos droit, ses cheveux bouclés joliment épinglés. Jacob, qui portait la même veste et le même gilet depuis qu'il avait quitté l'Alrun, se sent minable à côté d'elle. « Sire Nellick, corrigez-moi si je me trompe, mais les histoires que j'ai entendues insistent sur le fait que toutes les cibles manquaient de sens moral. N'ont-ils pas fait traverser son plancher au maire d'Havengul après qu'il a expulsé un groupe de familles de leur maison ?
- Je ne vois pas ce que cela a à voir avec moi, rétorque-t-il en croisant les jambes, chacun de ses gestes sinueusement délibéré, un amusement poli se dessinant sur son visage.
- Je crois qu'elle demande, précise Jacob en s'enfonçant dans sa chaise, ce que vous avez bien pu faire pour être vous-même une cible.
- Hm ? Oh, je suis un homme d'affaires, détective Wicker. Quand je fais de l'argent, quelqu'un d'autre en perd, explique-t-il avec plus de franchise que n'en attendait Jacob. Mais si vous demandez si j'ai déversé quelqu'un dans la baie récemment... Vous pouvez dormir sur vos deux oreilles, je suis innocent, » reprend-il après un rire.

L'expression de Wicker ne se relâche pas, mais elle acquiesce et prend en note.

Jacob accorde gracieusement à Wicker de poser les questions préliminaires. Cela lui donne le temps de penser. Une nuée de geists inhabituellement vicieux rôdant en Néphalie, attaquant politiciens et marchands, drainant leur énergie vitale de leur enveloppe desséchée. C'est... étrange, à tout le moins. Mais après les Calamités il y a eu bien assez de nouveautés avec lesquelles composer. Le monde a été saisi et secoué, et toutes ses pièces branlent en dehors de leur place. Jacob souhaiterait être encore assez jeune pour être rempli d'un sens d'aventure, plutôt que seulement un glauque épuisement teinté de terreur glacée.

Quand les questions de Wicker ont été finies, Jacon offre son propre conseil professionnel. « Restez à l'intérieur, Sire Nellick, bien que je sois certain de n'avoir pas à vous le dire de nos jours. Vous devriez embaucher quelqu'un pour tracer des runes. »

Sire Nellick se lève de sa chaise. « Vous ne pouvez pas le faire ?
- Non, malheureusement, ment Jacob, pour qui la dernière chose qu'il ferait serait de mettre à l'air libre de vieux rituels moisis pour cet homme. Vous feriez mieux d'aller à l'église pour cela. Ils demanderont une paye moindre que moi, de toute façon.
- Evidemment, répond Nellick après un rire et bien que ce ne soit pas une blague, son sourire ne dévoilant aucune dent. Je peux vous convaincre tous deux de rester cette nuit. Enfin, pour parler ainsi, au moins. » Il lâche un petit gloussement plein de politesse, comme si la fin du monde n'était qu'un badinage de salon.

Jacob s'imagine passer une minute de plus dans ce lieu glacé et réprime un frisson. Cela lui rappelle bien trop chez lui. « C'est très gentil de votre part, messire, mais je ne voudrais pas abuser de votre hospitalité. Il y a un hôtel à proximité d'ici. Je ne prédis aucun trouble.

Si les créatures de la nuit sont devenues assez hardies pour attaquer au milieu d'une ville, entourée de runes et de chasseurs armés, eh bien, il n'y a donc pas vraiment d'espoir pour quiconque parmi eux. Mieux vaut se soumettre au destin.

« J'ai des logements ailleurs, aussi, renâcle Wicker.
- Faites comme bon vous semble, répond Nellick avant de se tourner vers Wicker pour lui serrer la main.
- Comme M. Hauken le suggérait, un mage accrédité pourrait... » Elle s'interrompit, gardant le silence, avant de tendre la main.

Puis elle sourit d'un sourire rigide.

Une étrange sensation plane à la base de l'échine de Jacob, mais avant qu'il puisse se pencher dessus, Wicker tourne les talons. « Venez ! »

Perplexe, Jacob acquiesce brièvement en direction de Sire Nellick avant de suivre Wicker dans le hall. « Wicker, ralentis ! »

Jacob la rattrape dans le grand foyer plein d'échos, les formes de bustes des Nellick passés revêtus de complets, qui les observaient depuis les ombres. Wicker regarde son partenaire sous ses sourcils bruns, se penchant comme si c'était un secret. « Vous pouvez m'appeler Eloïse, » dit-elle avant qu'un servant ouvre la porte et leur fasse une révérence.



Selhoff est une ville à la frontière du monde, et l'hiver mord comme un loup enragé. Le gel grave des paternes luisants sur les fenêtres de verre, et la Baie de Vustrow bée, sombre et sans fin, au-delà des docks, comme un morceau du monde évidé et rejeté. Même avant la tombée de la nuit éternelle, ce n'était pas un endroit pour les faibles. Quand le vent souffle, la ville retient son souffle et penche sa tête.

Les queues du manteau de Jacob dansent autour de ses jambes, ses cheveux fouettent ses joues glacées. Le froid a l'air de s'être plongé aussi dans les membres de Wicker, parce que ses premiers pas sur la voie sont instables. Jacob va pour la rattraper quand elle trébuche.

« Ça va, ça va. » Elle regarde Jacob. Il est assez petit pour que la plupart des gens n'aient pas à lever le regard comme elle, même les femmes, mais Wicker – Eloïse – atteignait à peine les 1,50 mètres. Ses lèvres s'agitent. « Vous avez de beaux cheveux. » Au moins, elle est amusée.

« Je peux reprendre l'enquête à partir de maintenant, » dit Jacob tandis qu'ils commençaient à descendre la route. De cette hauteur, la lumière de la lune rayonne sur les toits vernis de glace, tous leurs drapeaux et ornements abaissés, attendant un printemps qui pourrait ne jamais venir.
« Hm ? Vous ne voulez plus de moi ? » demande Eloïse en le regardant de nouveau.
Jacob ne sait pas quoi répondre à cela.
Elle rit. « Qu'est-ce qui vous fait penser que vous y êtes plus apte que moi ? Votre panoplie de compétences ésotériques ?
- C'est toi qui a parlé de moi à Nellick, » rétorque Jacob agacé. Il souhaiterait qu'elle marche plus vite. Les vampires locaux sont affairés aux préparations d'un mariage et ne chasseront probablement pas dans les rues de la ville, mais cela ne rend pas une sortie dans les ténèbres plus attirante. Les épaules de Jacob sont raidies par le malaise.

« C'est si laid de l'extérieur, se dit Eloïse à elle-même.
- Quoi ? » Il suit son regard. Surplombant la ville se trouvent les tours industrielles, le foyer de l'élite. La plupart sont belles, mais la plus grande est une énorme monstruosité de pierre gris graisseux, frappant l'horizon comme un poing dirigé contre les dieux. De la regarder le fait se sentir nauséeux ; la malveillance qui en déborde est intense. Elle devrait l'être, en tout cas, comme Jacob peut saisir la malveillance ambiante dans l'air. « Une véritable horreur, accorde-t-il. Qu'est-ce ?
- Oh, c'est vide. Un nécro-alchimiste vivait là, mais plus maintenant. Il y a eu un incident il y a quelques mois. Une bombe-geist mal dirigée. Elle a tué quelques personnes. »







« Une quoi ? demande Jacob qui n'était pas sûr de l'avoir bien comprise. Une bombe-geist ? Qu'est-ce que c'est ?
- Exactement ce que ça a l'air d'être, répond Eloïse de dessous sa frange. Un dispositif explosif fonctionnant aux âmes des morts.
- C'est... » Son malaise s'intensifie. Il ne sait même pas quoi dire. Chaque fois qu'il pense qu'il a vu ce qu'Innistrad avait à offrir de plus terrible, un nouveau royaume d'horreur s'ouvrait devant lui.

Le vent hurle sur les avant-toits, envoie un ruban froissé et déchiré contre le pavé. Quelques étals de marché sont ouverts malgré le froid et l'obscurité, leurs propriétaires blottis derrière eux, la tête baissée. Ils ne sont pas en sécurité, mais sans doute ont-ils peu de choix. Même la nuit éternelle et les monstres qui y chassent ne suffisent pas à convaincre les propriétaires terriens de baisser leurs rentes. La nourriture doit être achetée. Les soins doivent être payés.

Jacob se souvient de Selhoff au sommet de l'été – les couleurs, les odeurs et la musique réjouissante. Il n'est pas un écumeur de tavernes, mais il aime voir la foule. Quoi que ce soit qui lui rappelle que le monde n'est pas mort.

Tandis qu'ils tournent vers un monceau désolé de ruelle, son estomac se serre. Pas une sensation inhabituelle ; il sent toujours l'activité spectrale par le système gastrique en premier. Mais c'est... étrange.

« Ne bouge plus. » Il touche l'épaule d'Eloïse, et la sent devenir parfaitement immobile sous sa main.
« Hm ?
- Ecoute. »

Le vent hurle. Avant, Jacob imaginait la description de Nellick d'une « nuée de geists » comme une exagération. Une hyperbole habile. Les geists sont des créatures solitaires par leur nature même ; ils ne détiennent pas l'intelligence ni l'instinct animal nécessaire à la coopération. De temps à autre ils se grouperont, mais jamais dans un esprit de communauté, seulement d'intérêt partagé dans un lieu ou une source de pouvoir.

Il n'en est pas ainsi.

Le monde autour d'eux explose en un épais brouillard de geists. Ils déferlent du sol, de l'intérieur des bâtiments adjacents, et du ciel gris ardoise. Une magie froide, ondulante peint la peau de Jacob, les voix enfumées d'émotion grattant pour trouver leur passage en lui. Peur, regret, peine, excitation, et rage, rage, rage, un feu lumineux et chaud dans sa poitrine.

Un cri se forme en Jacob jusqu'à ce que ses os mêmes s'agitent. C'est seulement par instinct qu'il parvient à planter ses pieds et tenir ses doigts dans un geste runique maladroit, poussant la magie jusqu'aux paumes de ses mains.

« Eloïse, viens derrière moi, fais seule... »

Les geists s'élèvent en flots face à eux, se coagulant dans un moment glaçant en un visage de femme hurlant. Le vent puissant claque contre Eloïse, la projetant le dos contre le mur de la ruelle.

Jacob jure et jette ses mains de nouveau, invoquant la moindre once de mémoire musculaire. Il n'a pas rencontré un esprit aussi puissant depuis des années ; habituellement cela ne prend que quelques mots et un mouvement du doigt pour arranger les choses. Mais c'était avant les Calamités. Maintenant toute magie est plus dure. Tout est plus dur.

« Fuis, crie-t-il en se mettant tout entier dans l'ordre de bannissement. MAINTENANT ! »

La femme hurlant se tourne vers lui, finalement assez solide pour qu'il en distingue les détails. Cheveux détachés, yeux ronds, épaules fortes, et bouche furieuse.







Et puis elle est partie. Le vent se calme et le silence presse ses oreilles. La force le quitte comme la chaleur d'un four, et il tombe contre le mur de briques.

Eloïse grogne. Du sang s'écoule au coin de sa bouche, et ses yeux sont brumeux lorsqu'elle lève le regard vers lui. « Jacob ?...
- Je suis là, dit-il.



Par chance, il y a une auberge au coin suivant. Aucun des deux n'est assez fort pour porter l'autre dans les conditions actuelles. Le temps qu'ils soient installés dans une salle de réception avec un médecin qui devrait arriver, Eloïse est plus ou moins lucide de nouveau, quoique confuse. Tandis que Jacob l'aide à s'installer dans un fauteuil, elle lui sourit, lente et curieuse.

« Comment avez-vous fait cela ? »
Jacob retire ses gants et son pardessus, s'accroupissant en face du feu. Il se sent comme s'il venait de sortir d'un bain de glace.
« Fait quoi ?
- Commander aux geists, clarifie-t-elle après avoir essuyé le sang de sa bouche.
- Oh. J'ai grandi avec eux.
- Vous avez grandi avec eux ? répète-t-elle après un rire léger et spirituel.
- Non. Enfin, si. »
Eloïse penche sa tête en signe d'écoute.
Jacob aurait dû ne rien dire. Les fausses pistes étaient toujours le chemin le plus sage, mais sa raison ne fonctionne pas au mieux à cet instant. Sa peau tremble toujours à cause du choc de l'absorption et du rejet si rapides d'énergie. Des lumières clignotent dans la périphérie de son champ de vision, un voile entre le monde et lui.
Il regarde le feu. « Les gens qui m'ont élevé... révéraient les geists. Ils les vénéraient presque. Les morts sont plus faciles à contenir que les vivants. Prévisibles, et simples à contrôler. »
La lumière du feu fait scintiller l'épingle dans les cheveux d'Eloïse. « Je n'ai jamais entendu quiconque parler de geists comme d'animaux de compagnie. »
Jacob ne put retenir un sourire. « Les geists ont une connaissance qu'aucun être vivant ne peut avoir. Même un vampire ne peut pas voir de l'autre côté. Les gens avec lesquels j'ai grandi étaient convaincus que seuls les morts pouvaient révéler la véritable sagesse.
- Fascinant, dit-elle, les yeux terriblement sombres dans les ténèbres. Et qu'est-ce qui vous a poussé à chasser les geists, plutôt que de les vénérer ?
- Je ne les chasse pas, répond Jacob avec une pointe familière d'agacement. J'enquête sur des incidents liés aux geists. Je laisse la chasse aux Gardiens du Pal. Je ne suis pas de l'Église.
- Je vois. » La blessure rend le regard d'Eloïse lent et somnolent, même un tout petit peu sinistre. « Alors pourquoi enquêter sur les geists ?
- Mon amie. Elle... »

La propriétaire arrive avec du thé et, sur un plateau, un gros gâteau piqueté de raisins secs. Jacob s'occupe, versant une tasse à Eloïse. Elle la prend, mais la pose en équilibre sur ses cuisses. Elle fait un geste à Jacob, pour qu'il continue dès qu'ils seront de nouveau seuls.

Il secoue la tête. « Ce n'est pas intéressant.
- C'est vous qui avez abordé le sujet, souffle Eloïse. Vous voulez évidemment continuer à parler.
- Mon amie est morte quand nous étions jeunes, soupire-t-il. Elle a été trouvée étranglée. » La douleur est si vieille qu'il la sent à peine, aussi familière que n'importe quel processus physique.
« Qui l'a tuée ? »
Jacob ajoute du sucre à son thé. Ils le faisaient trop amer dans le sud. « Je ne sais pas. Personne ne s'est embêté à chercher. »
Eloïse lève un sourcil.
- Je te l'ai dit – les miens révèrent les morts. Mon amie a rejoint leurs rangs, cela importe-t-il de savoir comment ? Les anciens ont prétendu que c'était un accident.
- Se sont-ils tous précipités pour la rejoindre ? renifle-t-elle.
- Non, répond Jacob après avoir soufflé sur la surface de son thé.
- J'ai l'impression qu'ils n'étaient pas tant dédiés à la mort que cela, alors. »
Le rire de Jacob paraît tiré de très profond en lui, brut, mais il se sent mieux quand il sort. « Quoiqu'il en soit, je me suis rendu compte que je ne pouvais pas rester. Je... ne pouvais plus les voir. Qui que ce soit. J'ai décidé de me jeter dans les affaires avec la seule connaissance que j'avais. J'ai pensé... enfin, ça a l'air ridicule maintenant, mais j'ai pensé que je pourrais aider les gens. Et je l'ai fait, je crois. Longtemps.
- Plus maintenant ?
- Es-tu bien sérieuse ? grogne-t-il. Je n'ai pas eu de client pendant des semaines. Assurément tu n'as pas dû avoir beaucoup d'affaires non plus. »
Eloïse a l'air confuse un instant, avant que son expression revienne à la normale. « Ah, oui. La nuit éternelle. Un peu gênant, je l'avoue.
- C'est minimiser.
- Comment le diriez-vous à ma place ?
- La fin du monde ? propose-t-il en reposant sa table.
- Théâtral, sourit-elle.
- Pas vraiment, dit-t-il en haussant les épaules. Ce n'est qu'une question de temps avant que les maisons de vampires arrivent et nous saignent comme du bétail. Et pendant ce temps, les créatures de la nuit nous prennent un à un. » Cela semble gauche de dire cela à voix haute. Comme de parler de sexe, d'accouchement, de taxes. Quelque chose que tout le monde connaît mais dont personne ne parle en compagnie cordiale. La fin de tout ce qui est.
« Alors pourquoi êtes-vous toujours là ? » demande Eloïse. Elle tient toujours sa tasse pleine. Peut-être que sa blessure lui a coupé tout appétit.
Il regarde le gâteau, mais n'a pas l'air non plus d'avoir tant envie de manger. « Qu'est-ce que tu veux dire ?
- Il y a toute une baie dehors. C'est très froid. Vous pourriez y sauter, propose-t-elle d'une voix lente et presque hypnotique. Allez-vous-en trouver les vérités cachées que seuls les morts connaissent. »
Jacob la regarde longuement. Elle n'est pas du tout comme celle dont il se souvenait. « Je ne sais pas, avoue-t-il après un instant. L'habitude, je suppose. Et toi ? Ça ne peut pas aller bien mieux à Selhoff qu'autre part.
- Je vais continuer à vivre jusqu'à ce qu'ils me traînent à la mort, » dit-elle en se penchant comme si c'était un secret.

Il se penche aussi, en pleine réflexion. Elle n'a aucunement tenté de lui parler de son pessimisme étouffé, et c'est étrangement réconfortant. Elle comprend. Il peut le voir dans ses yeux.

Elle touche son visage avec ses doigts froids. « Merci de m'avoir raconté votre histoire, Jacob Hauken, » dit-elle, et Jacob sent... quelque chose.

Ça roule sous sa peau, huileux et glissant comme la pellicule d'un cadavre en décomposition, cela bouge en lui. Cherchant, recherchant. S'efforçant à atteindre l'intérieur.

Jacob a un mouvement de recul et lâche la tasse de thé.

Les paupières d'Eloïse se plissent. « Vous allez bien ? »

Avant qu'il puisse assembler une réponse, le médecin arrive enfin, et écarte Jacob. Il avait presque oublié qu'il en avait envoyé chercher un. Il quitte Eloïse pour que le médecin, une femme, vérifie sa tête et sort dans le couloir pour essayer de nettoyer la sienne.



Cela prend quelques minutes de respiration contrôlée pour que se dissipe la sensation visqueuse dans ses os. Il se demande si cela peut être un effet secondaire du charme de révocation qu'il avait lancé dans la rue. Inhabituel, mais l'effet de la magie sur le corps change quand il vieillit, et Jacob ne rajeunit pas.

Le médecin sort un quart d'heure plus tard, pâle, et plutôt déséquilibré. Peut-être qu'Eloïse lui avait suggéré aussi un petit suicide.

« Comment va-t-elle ? demande-t-il.
- Hm ? Oh, un peu dans les vapes. » La bouche du médecin se tord. « Enfin, elle a ses raisons. Un geist l'a envoyé valser dans un mur. Elle dort à présent.
- Elle vous l'a dit ? » Mauvaise habitude, que de discuter ouvertement d'une enquête avec quelqu'un qui n'en est pas un participant actif, mais il suppose que des erreurs peuvent être commises à cause d'une telle blessure.
« Elle m'a dit bien des choses, répond le médecin avec un autre demi-sourire.
- Nous nous sommes déjà rencontrés ? demande Jacob sans parvenir à retenir sa question, simplement à la manière dont elle le regardait.
- Rencontrés ? » Le médecin penche la tête. « Non, je ne crois pas. Prenez soin de vous, Jacob. »

Malgré les mots du médecin, quand Jacob revient au salon, Eloïse n'est pas endormie mais plutôt avachie dans son fauteuil, massant lentement ses paupières.

« Eloïse, est-ce que le médecin t'a donné des instructions ? »
Elle laisse tomber sa tête contre ses genoux. « Je ne suis pas sûre, Jacob. De dormir, je suppose. » Ses yeux se précipitent de Jacob au thé répandu et du thé au gâteau intact. « Qu'est-ce qui m'est arrivé ?
- Que veux-tu dire ? demande-t-il en s'approchant du feu.
- Je me souviens, dit-elle lentement en se massant les tempes, du marchand dans la tour. Ses mains étaient froides. Et puis, plus rien.
- C'est... inquiétant. Nous avons un peu parlé.
- J'ai une concussion et un muscle froissé dans mon dos, dit-elle après avoir soufflé. Je devrais pouvoir supporter d'avoir perdu la mémoire des choses passionnantes que nous avons dû partager. »

Jacob se trouve attendre à demi qu'elle brise son rôle et commence à se moquer de nouveau de lui. Mais quoi qu'il en soit une humeur étrange la tenait depuis que sa blessure semblait être partie avec le docteur. Jacob essaie d'ignorer sa déception. Il avait presque commencé à l'apprécier.

« Eh bien, « passionnantes » peut être un peu... »

Jacob s'interrompt en sentant un vrombissement sous sa peau. Non. Ce n'est pas possible. Que se passe-t-il ?

D'être pris pour cible par exactement les geists sur lesquels il devait enquêter pouvait être vu comme une coïncidence, une fois. Mais deux ?

« Qu'est-ce qui ne va pas ? Hauken, que se passe-t-il ? » Eloïse s'immobilise.

Les geists hurlent dans le salon, s'écoulant à travers les murs, le plafond et le plancher. Le vent souffle dans les cheveux de Jacob et envoie valser la vaisselle comme de l'artillerie à travers la pièce. Jacob esquive in extremis un couteau de cuisine. Les geists n'essaient pas d'effrayer ou de menacer cette fois, mais immédiatement ils se reforment dans ce même visage de femme hurlant.

Et comme cette dernière fois, elle ignore Jacob et se dirige d'emblée vers Eloïse. Eloïse crie, s'enfonçant dans le fauteuil.

« Ne la laisse pas te toucher ! s'exclame Jacob.
- Et comment je suis censée faire ça ? » hurle-t-elle en retour.

[Le fantôme de femme s'avance vers Eloïse, son cri suraigu faisant trembler les os des deux enquêteurs. Elle s'avance, s'étend, grandit ; bientôt elle touchera de sa glace la peau d'Eloïse. Mais avant qu'elle le fasse, Jacob hurle à l'adresse du geist.]

Le geist s'arrête. Dans le petit salon, elle a l'air de s'étendre du sol au plafond, ses limites indistinctes. « Est-ce que tu me parles ?
- Oui, répond Jacob dont les veines frémissent à sa voix.
- Personne ne me parle, corrige-t-elle en penchant sa tête.
- Eh bien... Surprise, dit Jacob en tendant ses paumes.
- Je croyais que c'était elle que je cherchais, dit le geist en fixant Eloïse. Elle l'était. Mais maintenant ce n'est plus le cas.
- Est-ce le geist qui m'a attaquée ? demande Eloïse, les yeux écarquillés.
- Oui, répond Jacob.
- C'est un mensonge, affirme le geist.
- Est-ce qu'elle parle ? demande Eloïse. Ça ressemble seulement au vent.
- Milledieux ! Du papier – il me faut quelque chose pour écrire, quoi que ce soit... »

Eloïse tâte son manteau, sort son journal, et arrache une page avec une grande attention. Jacob saisit le couteau à côté du gâteau et en glisse la lame dans sa paume.

« Qu'est-ce que tu... »

Il peint une série de symboles peu soignés, oscillant parce qu'il pousse du pouvoir dans le sceau. A ce moment, il gratte le fond de ses réserves. Faisant sortir quelques autres gouttes de sang de sa paume, il finit le dernier symbole et secoue le papier afin de le sécher. Puis il le tend au geist.

Jacob observe tandis qu'elle réalise lentement ce qu'il veut qu'elle fasse avec. Elle le lui prend, ses doigts laissant une image éthérée alors qu'ils ne s'y trouvent plus. Instantanément, ses limites deviennent plus solides, et elle s'établit plus lourdement sur le sol.

« C'était un mensonge, répète-t-elle d'une voix plus ferme.
- Oh, je peux l'entendre, se rend compte Eloïse dont les yeux s'agrandissent.
- Non... Non, c'était un mensonge, mais plus maintenant. Qui es-tu ? demande le geist à Jacob.
- Je me nomme Jacob. Qui es-tu ? »
Le geist prend si longtemps à répondre que Jacob commence à penser que peut-être le sort ne marche pas, après tout. Mais alors – « Millicent. C'était mon nom. J'étais... quelqu'un, autrefois. » En parlant, sa forme continue à se résorber, à se fixer, car le sceau de sang l'aidait à s'ancrer dans ses souvenirs. « Nous vivions tous dans un endroit sur la rivière. Jusqu'à ce qu'il vienne. Il nous a utilisés. Des esprits frais.
- Il ? Qui es cet « il » ?
- Quelqu'un en qui nous n'aurions pas dû avoir confiance. Il connaissait les morts. Ils l'écoutaient.
- Connaissait les morts... Tu veux dire, un nécro-alchimiste ? » Les informations commençaient à s'empiler dans la tête de Jacob, elles testaient les limites de sa compréhension, se trouvaient précisément hors de portée. C'était exaltant, autrefois, quand le frisson de la découverte lui était encore une nouveauté. A présent il se sent seulement fatigué. « Eloïse, tu m'as dit qu'un nécro-alchimiste vivait dans cette tour. Qu'il était celui qui avait utilisé sa bombe-geist contre cette ville. Quel était son nom ?
- Je ne vous l'ai jamais dit, fait Eloïse en fronçant les sourcils.
- Bien, se rappelle-t-il, sa tête. Bien, tu ne t'en souviens pas, mais tu me l'as bien dit, sur la route de la maison de Nellick. Tu m'as parlé d'un nécro-alchimiste qui avait lancé une bombe-geist dans un village proche.
- Non, insiste Eloïse en continuant à le fixer.
- Je sais que tu ne t'en souviens pas, mais...
- Je ne vous ai rien dit d'un nécro-alchimiste qui avait lancé une bombe-geist dans un village proche, répète Eloïse, parce que je ne sais rien d'un nécro-alchimiste qui aurait lancé une bombe-geist sur un village proche. Qu'est-ce que c'est qu'une bombe-geist ? »
Le vent hurle dehors, et Jacob se tend, mais c'est ordinaire. Il se force à se concentrer ; il n'a pas été aussi nerveux depuis des années. « Tu ne le sais pas.
- Non, en effet. J'ai entendu parler d'une ville qui traversait un désastre, mais pas ce qui, ou qui en était la cause.
- Ça n'a pas de sens, dit Jacob qui voit bien qu'il lui manque juste un peu d'information. Ce nécro-alchimiste, où est-il à présent ?
- Je vous ai dit...
- Je ne te parle pas. » Jacob regarde le geist au centre de la pièce.
« Il a fini où nous avons fini, dit-elle lentement.
- Tu veux dire qu'il est mort ?
- Je... je ne sais pas. Il est ici. Je l'ai vu. Il était... » De nouveau, elle regarde Eloïse. Et Jacob comprend.

Il pense au sourire paresseux d'Eloïse et la sensation de contorsion dans ses propres os quand elle l'avait touché. Le médecin qui ne lui avait même pas demandé d'être payé. Les yeux froids de Nellick.

« Oh. Merde. »



« Quel délice inattendu ! » Nellick est exactement aussi élégant qu'il l'était ce matin, toujours assis dans son salon gelé. Son serviteur aux yeux enfoncés qui avait amené Jacob ne dit rien, il salue simplement et part aussi vite qu'il le peut. « Qu'est-ce qui vous ramène si tôt, M. Hauken ? Est-ce une visite de courtoisie ? » Le coin d'une canine pointue étincèle. « Il est vraiment trop tard pour les affaires. »

Jacob lui rend son sourire. « Depuis peu, il est toujours trop tard pour les affaires. Par chance, ces sortes d'investigations gardent rarement des heures habituelles. » Le feu est éteint, de même que les bougies. Sire Nellick était assis dans les ténèbres. « Je me demandais ce que vous pourriez me dire à propos de Cyril Rav.
- Hm ? Je ne suis pas sûr, répond-il sans que son sourire ne tombe, je ne passe pas beaucoup de temps avec les nécro-alchimistes.
- Mais vous savez bien que c'est un nécro-alchimiste.
- Je suis certain que j'ai entendu son nom, ici ou là. Si c'est quelqu'un d'important, je devrais avoir quelques mentions de lui dans mes papiers. » Il avance, sa robe de brocart dorée lâche autour de sa taille. Il n'avait pas pris la peine de s'habiller avant d'accueillir Jacob. « Sérieusement, vous ne pouvez pas être là simplement pour me demander cela. » Les pieds de Nellick ne font aucun bruit sur le tapis alors qu'il s'approche. Ses yeux ont l'air de glaces flottantes. Il lève une main et effleure la joue de Jacob. « Alors, dites-moi... Que puis-je faire pour vous ? »

Tout d'abord Jacob ne sent rien sinon des doigts doux et glacés, et il pense qu'il doit avoir tort, et devra par conséquent essayer de trouver un moyen de s'extirper d'une situation étrange.

Mais il les sent ensuite. Des doigts pressant, huileux, remuant sous sa peau, recouvrant de fumée sa gorge et son palais.

Plutôt que de repousser Nellick, il le tire plus près, la main sur sa nuque. « Avez-vous déjà été possédé par un geistmage auparavant ? Je promets que vous n'aimerez pas ça. »

Et puis il le repousse.

Le corps de Nellick se rigidifie avant de s'éloigner, chancelant avec un sifflement inhumain. Ses jambes s'entremêlent dans sa lourde robe et il tombe, se rattrapant à peine sur les corps. Il essuie sa bouche, de laquelle a commencé à s'écouler un sang noir et épais.

« Vous n'avez pas pris trop de peine à le cacher, dit Jacob.
- Je vous ai eu bien assez longtemps. Je pensais que vous étiez un détective. »

Jacob ne montre pas le coup sur son visage, mais il le sent.

Il n'avait pas remarqué, et il aurait dû le faire. Seulement, il avait été secoué par les attaques de Millicent, et en vérité, nul sur Innistrad n'a été au pic de ses pouvoirs depuis les Calamités. La magie changée déséquilibre le temps, qui déséquilibre le monde, qui déséquilibre les gens. Cependant, il aurait dû remarquer qu'il n'avait vraiment parlé qu'avec une personne depuis qu'il était arrivé à Selhoff.

« C'est plutôt étrange pour moi, je l'admets, dit Rav en se montrant d'un geste dans sa robe de brocart, sur le sol.
- Levez-vous, alors, dit Jacob en s'avançant d'un pas.
« Hm ? Oh, non. Je voulais seulement dire que je vous ai embauché sans même savoir que je parlais à l'un de ces exaltés de Vizag Atum. Les parle-aux-geists. Terriblement impoli de ma part.
- J'ai quitté ce groupe il y a bien longtemps, dit Jacob sans cligner des yeux.
- Oui, à cause de votre amie. Fascinant. A quel point les gens peuvent être cruels.
- Vous êtes bien placé pour le savoir, n'est-ce pas ? »

Un autre éclair de rage s'allume sur le visage de Rav, le même que Jacob avait vu dans les yeux d'Eloïse quand il avait renversé le thé. « C'était une erreur. Un faux-pas dommageable.
- L'était-ce bien ? »
Rav tira le dos de sa robe fermée avec une grande dignité. « Bien entendu. J'aurais évidemment préféré que ma bombe-geist fonctionne plutôt qu'elle échoue. Mais pourquoi penseriez-vous autre chose ? Quoi, les geists vous ont-ils dit autre chose ?
- Elle ne tuait pas des officiels corrompus, n'est-ce pas ? Contredit Jacob. Elle vous cherchait. Ce maire que vous avez fait...
- Oh, ça. Je m'aimais pas ce corps ; je ne crois pas qu'il m'allait.
- Vous ne volez que les formes de personnes influentes.
- Comment influencerais-je quoi que ce soit sinon ? répond Rav avec les yeux étincelants d'humour. Et oui, elle s'est préoccupée de vengeance depuis toute cette malheureuse affaire. Je ne sais pas pourquoi. Ce n'est pas comme si j'étais moins mort qu'elle.
- Sauf qu'elle ne vole pas les corps des autres gens.
- Parce qu'elle ne le peut pas. J'ai une affinité avec la mort, comme vous. La plupart des geists ne peuvent posséder un corps vivant, spécialement sans la permission de ce corps. Je suis simplement exceptionnel.
- Modeste, aussi.
- C'était un constat sans jugement de valeur. Je suis une exception, comme vous, soupire-t-il, apparemment pas gêné de rester au sol face à Jacob. Nonobstant, j'aurais préféré que vous détruisiez simplement Millicent, plutôt que d'écouter sa liste de rancœurs.
- Dommage. Vous n'auriez pas dû posséder ma collègue. »

Rav se lève du sol avec une grâce inattendue. Il a l'air de porter son corps mieux qu'il ne l'avait fait avec celui d'Eloïse ou du médecin. « Oui, certes. En effet. Je ne pouvais seulement pas résister à l'envie de vous voir travailler, Jacob. Je vous apprécie. Et c'est pourquoi je suis heureux que vous soyez ici.
- Dois-je me sentir flatté ? feint-il de demander.
- Je n'en serais pas formalisé, répond le nécro-alchimiste. Un peu de flatterie ne peut blesser personne.
- Je ne vais pas détruire Millicent. Vous aurez affaire à elle par vous-même.
- Oh, elle ne m'importe plus. J'ai seulement pris en compte votre conseil et fait que quelqu'un de l'église mette des runes. Très gentil de votre part. » Il s'interrompt avec un nouveau rictus aux dents aiguisées. « Non, vous ne devriez pas demander ce que vous pouvez faire pour moi, mais ce que je peux faire pour vous. »

Il marche jusqu'à un bar poussiéreux et choisit une bouteille presqu'au hasard, versant une lampée de liqueur dans un verre aussi poussiéreux. « Vous prendrez bien à boire ?
- Non merci, répond Jacob en grinçant des dents.
- Mettez-vous à l'aise, dit l'hôte en plaçant une chaise à côté du foyer vide. Pourquoi ne vous asseyez-vous pas ?
- Je préfère rester debout.
- Je pense que nous devrions parler affaires ensemble, » reprend Ral après un haussement d'épaules.

Jacob attend la chute de sa proposition.

« Je peux t'aider, Jacob Hauken. Avec moi à tes côtés, tu n'auras plus de raison d'avoir peur.
- Je n'ai pas peur.
- Si, évidemment. Tu as passé une heure dans une auberge à me raconter toutes tes peurs. La nuit, les monstres, les ténèbres béantes de la baie. » Il avale la liqueur ambrée dans son verre mais ne boit pas. Ses yeux ont l'air de joyaux. « Tu devrais être prudent d'avec qui tu ouvres ton cœur, à l'avenir. »

Jacob reste silencieux.

« Les jours de l'humanité sont passés, continue Rav. Et la nuit devient de plus en plus froide. Imagine que tu n'aies pas à t'inquiéter. Laisse-moi t'aider. Je peux te protéger. Seulement... viens avec moi. »
- Où ? demande Jacob après avoir cligné des yeux.
- N'importe où. Je peux construire un laboratoire n'importe où dans le monde. Tu peux résoudre tes crimes impliquant des geists, ce que tu veux. » Il regarde Jacob toujours debout, pensif. « Ou nous pouvons trouver qui a tué ton amie, et nous pouvons lui faire payer. Ensemble. »

Jacob l'observe longuement, essayant de décrypter quelque sens caché entre les mots. « Pourquoi ? A quoi cela vous sert-il ?
- Cela fait bien longtemps que je suis seul, répond Rav en caressant les bras de son siège de bois.
- Pourquoi moi ? demande Jacob qui le croit sans savoir pourquoi.
- Et pourquoi pas ? rétorque le geist incarné comme si Jacob le taquinait avec des réponses agaçantes. Je ne peux pas te faire de mal. Tu es un geistmage. Je ne peux pas prendre ton corps, et tu peux me bannir si je fais quoi que ce soit que tu n'apprécies pas. Quel est l'inconvénient ? Si tu n'aimes pas regarder ce corps, je peux en choisir un autre. »

Jacob pense à toutes les choses qu'il devrait dire, toutes les choses qu'il aurait dites il y a seulement quelques années. Il ne négocie pas avec les assassins. Il a un devoir. Il en avait un.

Puis le monde entier se brisa.

« N'essaie pas de prendre le chemin escarpé, continue Rav. Tu es d'Innistrad, comme moi. Tu sais mieux faire que de tourner le dos au pouvoir lorsqu'il s'offre à toi. Pourquoi fais-tu ce travail ? La justice ? Je t'en prie, tu es trop intelligent pour cela. L'argent ? On peut gagner de l'argent n'importe où. »

Jacob ferme les yeux. « Je suis juste fatigué.
- Je sais. »









L'hôtel particulier de Sire Nellick émerge des ténèbres, silencieux et immobile. Malgré le danger, Eloïse Wicker est heureuse qu'il fasse nuit. Elle a mal à la tête. De plus, cela rend la forme éthérée debout à ses côtés plus simple à voir. Millicent enserre toujours le sceau de sang qu'Hauken a fait pour elle, regardant la maison avec une rage qui aurait été terrifiante même si elle n'avait pas été un geist.

« Je ne peux pas entrer. »
- Eh bien, je peux, soupire Eloïse. Attends ici. »

Elle n'est à l'intérieur que quelques minutes, le temps que cela lui prend pour analyser chaque recoin. Elle trouve deux serviteurs inconscients dans la cuisine et un corps dans le salon : Sire Nellick. Jacob Hauken est introuvable.

Eloïse revient vers le geist et dit à Millicent ce qu'elle a trouvé.

Millicent reste silencieuse si longtemps qu'Eloïse commence à craindre que le sceau de sang ait cessé de fonctionner. Mais elle dit ensuite : « Ral doit l'avoir pris, après avoir pris un nouveau corps.
- Je n'ai trouvé aucun signe de lutte. »

Millicent la regarde vivement.

« C'est mon boulot, après tout. S'il est parti, c'était probablement de sa propre initiative. Ou bien il est possible qu'il n'ait jamais atteint l'hôtel. » Elle hausse les épaules. « Beaucoup de monstres errent dans les rues ces jours-ci.
- Comme moi, » sourit Millicent.

Eloïse sait qu'elle voulait faire de l'humour, mais elle ne trouve pas ça drôle. « Tu n'es pas un monstre, lâche-t-elle surprise par sa propre véhémence. Tu as juste besoin que quelqu'un combatte pour toi.
- Penses-tu qu'il est venu volontairement ? L'aurait-il fait ? »
Eloïse lorgne les ténèbres des rues de Selhoff, comme si Hauken allait se montrer soudainement à son commandement. « Je ne sais pas. Je ne le connais pas si bien, en fait. »

Millicent acquiesce, puis lâche le sceau de sang.

« Attends ! » Eloïse le saisit avant qu'il touche le sol, et le replace dans les mains de Millicent. « Que fais-tu ?
- Je n'en ai pas besoin. Je vais continuer mes recherches. »
Eloïse soupire, massant ses tempes douloureuses. « Garde le sceau. »
Millicent la regarde, la tête penchée comme un oiseau de nuit.
« Je n'ai jamais travaillé pour un geist auparavant, mais mes tarifs sont très raisonnables. »

Alors c'était comment ?

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—Chant pyromantique

Proposé par Dark Mogwaï le 19/06/2012

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